Aujourd'hui notre fournée sera établie selon un axe essentiel : l'axe d'Angoulême, inévitable, vous verrez que j'ai fait un effort pour lire un certain nombre des titres en compétition. Mais pas tout, je suis pas fou non plus. J'apprends d'ailleurs à l'instant même que je n'ai lu aucune des BD primées ; je rappelle brièvement que Come Prima est Fauve d'or, que je n'en pense rien pour ne pas m'y être intéressé jusqu'alors, et que le Grand Prix du festival revient au géant Bill Waterson (auteur de Calvin & Hobbes), qui était en compétition avec deux monstres, Alan Moore (Watchmen, Ligue des gentlemen extraordinaires, V pour Vendetta) et Katusuhiro Otomo (Akira), soit une sorte de pannel de mes artistes préférés en BD.
Je vous renvoie ici pour plus d'infos.
Tout de suite, la fournée.
(ne faites pas attention aux espaces entre les petits losanges de notation : la mise en page de overblog déconne à pleins tubes, et je ne sais pas comment résoudre ça)
The Angoulême deck :
Ainsi se tut Zarathoustra de Nicolas Wild (La Boîte à Bulles)(♦♦♦♦) : je vous en ai déjà parlé ici donc nul besoin que j'y revienne. C'était de la BD à caractère surtout informatif qui ne m'intéresse pas plus que ça. Passons.
Le Chien qui louche de Etienne Davodeau (Futuropolis)(♦♦♦♦) : C'était mon premier Davodeau, hors feuilletage des Ignorants, et tout ce que je craignais s'est confirmé : le dessin académiquement correct, juste assez arty pour provoquer la sudation d'un critique Télérama, masque une petite histoire de petites gens dont on a rien à foutre. L'honneur est sauf pour la bande dessinée puisqu'on la rapproche paresseusement au monde des Beaux-Arts grâce à l'omniprésence du musée du Louvre. Cela n'enlève rien à l'agréable fluidité de la lecture, mais il est tellement transparent que cette BD est un produit d'appel pour attirer le lectorat bobo dans le séquentiel que c'en est pénible d'avance.
Goggles de Tetsuya Toyoda (Ki-oon)(♦♦ ♦♦) : Ah voilà par contre une belle surprise ! D'un auteur que je ne connaissais pas, et dans une maison d'édition qui propose souvent du seinen de qualité, mais pas du tout dans ce registre-là. Goggles, ce sont des historiettes anecdotiques d'un Japon rural à l'épopue suspendue (au moins années 1960 dirons-nous). Il n'y a pas grand chose à en dire, si ce n'est que la narration est bien construite est très fluide, au service de petits scenarii malins sans prétentions démesurées. Une heure de baume.
In God we trust de Winshluss (Les Requins marteaux)(♦♦ ♦♦) : Comment être totalement objectif à propos de Winshluss ? Cet auteur qui, généreux et salvateur, offrit un beau jour Pinocchio au monde. Il nous revient après quelques années d'inactivité, ou alors j'avais pas vu, avec un nouvel opus bien bossé, un peu classieux (couverture cartonnée avec motifs dorés, tout ça...), très rigolo mais clairement sans prétentions par rapport à son chef d'oeuvre. C'est d'ailleurs peut-être mieux ainsi. Or donc, un peu dans le même registre que le Le Chat/Geluck de ce Noël, Winshluss revisite avec humour l'Ancien et le Nouveau Testament. C'est rarement lourdingue, constamment iconoclaste, trashouille sur les bords, cela peut éventuellement rendre susceptible quelques personnes de votre entourage. Mais soyons clair, c'est du plaisir simple et régressif servi par une patte toujours virtuose.
Last Man (T1) de Bastien Vivès, Balak & Sanlaville (Casterman)(♦♦ ♦♦) : Là aussi on en a déjà parlé (ici), c'est du manga de baston/fantasy/Dragon Ball français et excellent par un des jeunes auteurs les plus intéressants des dernières années, alors hein, quoi, on va pas en tartiner plus...
Saga (T1) de Vaughan & Staples (Urban Comics)(♦♦♦ ♦ ) : Je dois avouer avoir été soufflé par le premier tome. C'est en un sens du space op', avec cette façon de mêler science-fiction à planètes/galaxies et fantasy délurée aux créatures et chimères improbables. Mais on y retrouve tout à la fois des accents de fantasy pure, de fantastique gothique, de destinée flamboyante... Enfin bref, sans y ressembler une seconde, c'est du Star Wars dans tous ses ingrédients et caractéristiques. Le dessin est superbe, à la fois fin et sauvage, le scénario pose des bases intéressantes même si les dialogues ne sont pas la plus grande réussite de l'ensemble. Si leurs Batman et Superman à la chaîne me laissent froid et sont souvent laids, j'adore Urban Comics quand ils sont capables de nous traduire ces indés américains qui sortent de l'ordinaire (j'avais eu un semblable coup de coeur pour une autre BD récemment qui s'appelle Battling Boy de Paul Pope, je vous la recommande aussi). Ils l'avaient aussi fait pour Daytripper l'an dernier. Et si l'on en croit le titre mais aussi certaines interviews de Brian Vaughan, méfiance, c'est parti pour être une loooooongue série
Battling Boy (T1) de Paul Pope (Urban Comics)(♦♦ ♦♦) : Eh ben en fait elle était également nominée pour Angoulême, j'avais même pas vu ! Bon donc pas grand chose à rajouter, le dessin tremblé aux couleurs maussades et verdâtres n'est pas facile à aborder, mais ça dégage une belle âpreté, quelque chose d'un peu plus radical et viscéral que Saga.
Space Brothers (T1) de Chûya Koyama (Pika)(♦♦ ♦♦) : C'est un joli petit seinen de type "relations humaines" (pas vraiment de gros monstre libidineux ou de dark fantasy berserkienne là-dedans). Deux frangins voient un OVNI étant gamins et ils développent une passion pour l'astronautique. Plus tard, le plus jeune a réussi à percer et va effectuer son premier vol spatial, tandis que son grand frère est un petit branleur dans la passion est restée un fantasme. On sent un peu arriver la valise à émotions faciles, mais en fait, du moins dans ce premier tome, s'il n'y a rien d'extraordinaire dans le dessin ni le découpage, l'attachement aux personnages est assez immédiat et le scénario offre certaines promesses de développements intéressants.
Voilà ce que j'ai lu comme BD sélectionnées à Angoulême. C'est bien peu comparé à l'étendue de la sélection, mais relativement varié et représentatif. Bon, pour être complet, j'ai également parcouru Macanudo (tome 4) de l'Argentin Liniers, du comic strip à personnages variables, coloré et surréaliste : intuitvement, c'est une des meilleures en qualité, mais rien de neuf si vous avez déjà lu les trois autres volumes, tout ce que fait ce mec est admirable. Également parcouru Cowboy Henk de Herr Seele, le fameux héros néerlandais, version, là encore surréaliste, de Tintin, tout en ligne claire et gros humour absurde (a gagné le Prix du Patrimoine). J'ai lu aussi la grosse moitié de Tyler Cross (Nury et Brunö) dont je ne parlerai pas plus que ça car Prix de la BD Fnac, ce qui me saoule par avance. Mais alors attention : c'est de l'excellente BD, peut-être la meilleure de la sélection, un thriller en magnifique ligne claire aux dialogues ciselés, à mon sens un classique instantané. Par contre, j'ai aussi tenté de lire les premières planches de Charly 9 (Richard Guérineau), adapté du roman éponyme de Jean Teulé. Autant le roman m'a longtemps tenté, autant là on est typiquement face à l'adaptation roman>BD qui n'a aucun sens : les cases sont bourrées de texte, l'action est figée par le découpage, le dessin n'est pas beau. Bref, à nuancer parce que j'ai lu un tout petit bout de la chose, mais a priori sans intérêt.