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  • : " On a qu'à appeler ça Le Massacre alors. " Mickaël Zielinski, Nicolas Lozzi, mai 2009.
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2 mai 2013 4 02 /05 /mai /2013 10:34

Je me remets à emprunter quelques BD et je ne passe pas ma vie à ne lire que du Tintin (bien que, vous le verrez un peu plus tard, je prépare un gros article sur la tintinophilie, j'y reviendrai... dans quelques semaines). Ci-après, donc, du Canadien et de l'Italien, deux fois n'est pas coutume.

 

 

http://www.du9.org/wp-content/uploads/2012/09/23-prostituées--single.jpg

 

 

Technique 

Esthétique ♦♦

Emotion 

Intellect  ♦♦

 

 

On (et sous ce "on" générique se dissimule l'incroyable Jef) m'avait dépeint Vingt-trois prostituées (Cornelius, 2012 [2011]) de Chester Brown comme la bande dessinée de l'année passée. Il se trouve, pour des raisons obscures et par trop complexes pour les esprits fatigués que vous êtes, que j'en ai reçu quelques exemplaires dans ma librairie. C'était là l'occasion rêvée de découvrir ce joyau à la couverture élégante qui pose immédiatement le contexte : on y voit une femme légèrement vêtue d'une nuisette blanche accompagner le départ du personnage principal, l'auteur lui-même (puisque ce roman graphique est aussi autobio), et plus important encore, la scène est cernée d'un halo à rayons circulaire, comme un spot qui éclaire un temps et un lieu précis.

 

Ce halo omniprésent dans toute l'oeuvre est ce que j'ai trouvé de plus beau dans 23 prostituées. Il faut d'abord expliquer brièvement l'histoire : Chester Brown, dessinateur de BD au visage squelettique, bientôt quarante ans, se sépare de sa compagne en 1996. Il élabore une conception inhabituelle de l'amour romantique (perçu alors comme superflu, clivant, carcéral). Quelques années plus tard, il commence à avoir des relations sexuelles tarifées et y trouve pleine satisfaction, y compris morale, ce qui ne va pas sans faire naître un certain scepticisme chez ses proches. L'histoire qui nous est racontée est structurée par sa rencontre avec les 23 escort girls qui vont jalonner sa vie pendant une dizaine d'années, jusqu'à aujourd'hui.

 

Il y a clairement deux types de cases dans ces perpétuels gaufriers de huit par planches, immuables : les cases avec halo, et les cases sans. Ces dernières rendent compte de passages classiques, souvent dialogués entre le personnage principal et un comparse, et donnent au lecteur les informations nécessaires à l'avancée du récit. Les cases avec halo, du moins est-ce mon point de vue, représentent les souvenirs vivaces de Chester Brown, les impressions fortes, et il faut alors bien regarder comment est positionné son avatar dans la case pour saisir la prégnance du moment : lors des scènes de sexe par exemple (qui sont absolument toutes "avec halo"), les deux personnages en pleine fornication sont vus en plongée et de biais, comme d'un coin de plafond, et tout décor est effacé au profit des deux corps qui s'agitent. Ce sont des moments d'oubli, de sensations diffuses. La proximité, le placement et l'intensité du halo conditionnent la diffusion de l'émotion dans toute l'oeuvre. C'est remarquablement bien fait.

 

Pour autant, j'ai été un peu gonflé par le côté réquisitoire du volume. Une longue postface insiste sur la nécessité de décriminaliser la prostitution, et de nombreux dialogues dans l'histoire s'attardent également sur cet aspect légal. Autant l'approche émotionnelle m'a comblé de sa finesse, autant ce retour systématique du plaidoyer m'a un peu fatigué (peu importe d'ailleurs mon opinion sur la question, qui est très proche de celle de Brown, c'est l'inclusion trop lourde d'une opinion dans et hors la diégèse qui m'agace). Pour le reste, je n'ai rien à dire, encore une BD remarquable publiée chez Cornélius, c'est pas la première et pas la dernière. Et pourtant, les indés américains, moi, d'habitude, hein...

 

 

http://www.laprocure.com/cache/couvertures/9782809428629.jpg

 

 

Bon, et maintenant une rareté, de la BD italienne. Si comme moi "BD italienne" vous fait tout de suite penser à Manara et Pratt sur des nuages paradisiaques d'un côté et Tex sur un océan de merde de l'autre, rangez vos pelles. Il y a donc du séquentielle populaire de qualité chez nos amis d'outre-dolomites. Dylan Dog (Panini, 2013) est une série sur un détective de l'étrange londonien, très réputée en Italie ; dessinateurs et scénaristes se succèdent pour lui offrir de nouvelles aventures selon une logique feuilletonesque depuis 1986.

 

Secondé par un avatar très rigolo de Groucho Marx, Dylan Dog est un personnage classique mais attachant qu'on apprend à connaître en trois pages et demi : courageux, alcoolique, spécialiste du paranormal et des univers parallèles, minutieusement mal fringué d'une veste noire sur chemise rouge. Sur les quatre histoires qui composent le recueil, on a un futur dystopique zombiesque inspiré de Romero, mais avec une chute très rigolote, deux épisodes dickiens avec perte des repères de la réalité qui sont largement les plus réussis, puis un récit ésotérique qui va puiser du côté des cultes celtiques sacrificiels. Tout ça est toujours saupoudré d'humour, d'étrange juste ce qu'il faut, et évidemment la qualité est aussi variable que les auteurs, tant niveau dessin que construction scénaristique. Vous l'aurez compris, l'intérêt réside dans le pastiche, et de ce côté-là il y a toujours une petite variation intéressante ou drôle par rapport à la source d'inspiration. Le concept n'est pas sans évoquer les revues américaines Creepy et Eerie dont on a déjà parlé, en bien, ici, mais avec, évidemment, des références plus contemporaines. Il est à noter néanmoins que le recueil concocté par Panini est un peu court et le choix des histoires un peu balancé au hasard pour pleinement convaincre et/ou faire découvrir au mieux le personnage.

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