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  • : Le Massacre
  • : " On a qu'à appeler ça Le Massacre alors. " Mickaël Zielinski, Nicolas Lozzi, mai 2009.
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12 novembre 2010 5 12 /11 /novembre /2010 21:30

 

Technique ♦♦

Esthétique

Emotion ♦♦

Intellect  ♦♦

 

 

Au cas où vous ne l'auriez pas remarqué, et vous le faites donc exprès tellement j'ai pu porter ce livre aux nues, j'ai adorissimé l'incroyablissimant  Yama Loka : terminus, des frères de plume Henry & Mucchielli. Comme je m'y attendais, et comme la logique pure en constituait l'inévitable conclusion, le nouveau recueil des deux Gogol m'a un peu moins transporté, passionné, estomaqué, que le précédent opus. Si ce dernier cherchait à explorer un éventail de possibilités dans les modes narratifs, inventant de très belles choses, poursuivant avec brio certaines autres, parvenant à distiller autant d'émotion que de beauté esthétique, le nouveau tout neuf s'attache surtout à être poétique, avec des textes courts et fulgurants, peu nombreux, pour un volume au final tout petit.

 

Yama Loka structurait les modèles narratifs autour d'une ville, Yirminadingrad. Si, en filigrane, cette ville existe encore extra-diégétiquement dans Bara Yogoï (par une destination à atteindre, le patronyme tronqué d'un personnage...), nous sommes bien pour autant dans "sept autres lieux" qui sont essentiellement intérieurs. À nouveau, les points de vue et les structures sont originaux, recherchés, mais c'est bien sur l'agencement textuel, le phrasé, le rythme, le terme juste, le niveau ou le style de langage, que les efforts des auteurs se sont davantage portés. Et sur ce point, malgré l'apport intéressant des dessins de Stéphane Perger par exemple, je dois reconnaître avoir été régulièrement largué par l'hermétisme de certains textes, ou de certains passages. Ce soin d'orfèvre apporté à des paragraphes ciselés m'a parfois déposé en route, dépassé que je fus par une attention au détail technique qui oubliait de convoquer le minimum de cohérence narrative qui aurait pu me maintenir en immersion.

 

Pour autant, je dois bien reconnaître la beauté d'ensemble des sept textes. Le premier, "Playlist/shuffle", est de loin celui qui m'a le moins convaincu, litanie intérieure d'un chauffeur de taxi complètement axé sur les déboires de son frère. À l'inverse, "Tom + Jess" restera sans doute mon préféré, grâce à une langue qui trouve un merveilleux équilibre entre le puéril et l'oralité tout en restant un vrai texte de fiction. "Enfer périphérique numéro 21" a été le déclencheur de la fin de ma salubrité mentale lors de ma lecture tout d'une traite : voilà sans doute la nouvelle que j'ai le moins comprise, tout simplement, même pas suffisamment pour en apprécier l'écriture. "À propos d'un épisode méconnu des guerres coloniales motherlando-mycroniennes", avec son nom à rallonge, fait une sorte de synthèse entre le meilleur (disons, Borgès, d'ailleurs évoqué en fin d'ouvrage) et le pire (Coelho) en matière de récit mythologique intemporel. Malgré son côté "conte philosophique", le texte est magnifique, chaud et limpide. Je ne me l'explique pas, voilà. "L'atmosphère asphyxiante dans laquelle nous vivons sans échappée possible" est tout entier basé sur une astuce littéraire : contant l'histoire d'un journaliste en observation dans un mystérieux sous-sol habité dans des conditions de vie extrêmement asphyxiantes, il démarre de manière très embrouillée, elliptique, avant de se rationaliser au fur et à mesure de l'avancée du "journal de bord" tenu par le journaliste, alors que l'on devrait assister au processus inverse ! Il faut en fait lire cette nouvelle à l'envers, paragraphe par paragraphe, pour la "comprendre en ordre" si je puis dire. J'ai essayé, ça marche ! Quoi qu'il en soit, c'est absolument brillant, et d'une vertigineuse précision dans la construction. "En mauvaise compagnie" ensuite, récit carcéral intérieur que j'imagine volontiers post-apocalyptique. Et pour finir, "Délivrances", qui propose brutalement un récit à la narration beaucoup plus classique, une "simple" fantasy bien écrite, surprise de fin d'ouvrage comme un spéculoos facile après le café. Une narrativité en forme d'aveu ou d'excuse après les âpretés nébuleuses de l'expérimental.

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