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  • : Le Massacre
  • : " On a qu'à appeler ça Le Massacre alors. " Mickaël Zielinski, Nicolas Lozzi, mai 2009.
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6 décembre 2010 1 06 /12 /décembre /2010 11:40

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C'est en tant que non cinéphile et non écrivaine que je vais faire ma première chronique, et ce, suite à la vision d'un film d'animation "extra-ordinaire", Valse avec Bachir d'Ari Folman. Je n'avais pourtant pas attendu que Arte le diffuse l'autre soir pour le découvrir. "film à voir, oscar etc..." pourtant, quand je l'ai vu pour la première fois il y a un an, j'ai eu beaucoup de mal à entrer dedans. Je dirais même plus que le graphisme m'a littéralement repoussé toute la moitié du film. Trop parfait, trop lisse, trop bien animé, trop de couleur photoshop... bref je n'avais jamais vu ça en animation (ou plutot si, ça me renvoyait au dessiné animé TF1) et je n'arrivais donc pas à adhérer à l'histoire, qui en elle-même ne m'intéressait pas plus que ça. Cependant le retournement final de situation ou plustôt la "chute" du film m'a fait un tel choc que j'ai changé d'opinion en cinq minutes, et ce film est passé de la catégorie "bof" à "superbe".

En le revoyant hier soir d'un oeil nouveau, je l'ai encore plus apprécié à se juste valeur. Et je vais donc vous raconter ce qui fait son intérêt ou ses faiblesses. Déjà, pour resituer l'histoire (en partie autobiographique), le héro, Ari, a la quarantaine, il a effectué lorsqu'il était jeune son service militaire en Israël, alors en guerre contre le Liban. En discutant de cette période avec ses amis (qui eux, sont  hantés par des cauchemars), Ari se rend compte qu'il n'en a aucun souvenir. Troublé, il décide de voir une psychologue et de retrouver ses amis, collègues, supérieurs, présents avec lui à ce moment, pour essayer de comprendre ce qui lui est arrivé, ce qu'il a vécu et pourquoi c'est effacé de sa mémoire.

Le film est donc construit sur d'incessants aller-retour entre ses questionnements et interrogatoires au présent, et les scènes du passés (racontées par ses amis ou lui même). Le spectateur suit en même temps qu'Ari l'évolution de ces souvenirs qui apparaissent et se reconstituent comme un puzzle, pour délivrer la partie effacée de sa mémoire. Ce qui est bien sûr intéressant, c'est qu'au delà de ses troubles de mémoires personnels, "la petite histoire", on découvre petit à petit la "grande histoire" en trame de fond, c'est à dire ce qui s'est passé durant cette guerre et notament les massacres de Sabra et Chatila. Ainsi le point de départ de ce film était le questionnement personnel, intimiste d'une seule personne, puis il évolue et nous plonge dans la couverture d'un conflit meurtrier, à travers plusieurs points de vues et témoignages de personnages différents. Le héros prend d'ailleurs beaucoup moins d'importance vers la fin, lorsqu'il retrouve ses souvenirs, et s'efface au profit de l'Histoire.

Certes ce procédé de retour "passé-futur", mémoire à reconstituer, n'est pas du tout nouveau en cinéma. Cependant ce film se démarque pour plusieurs raisons. On dit qu'il est le premier film documentaire d'animation (et il est aussi extrêmement rare qu'un film d'animation, dessin animé, s'intéresse à un thème historique aussi "lourd", et soulève des questions comme l'implication des soldats dans un massacre). J'ai hésité à accepter sa définition de documentaire, car il m'a d'abord fait penser à Persepolis, (histoire intime avec en trame de fond une guerre) cependant contrairement à Persepolis, ce film est construit par les témoignages des amis d'Ari, et le but final de cette enquête est de réveler au spectateur ce qui s'est passé à Beyrouth pendant cette période. Il se veut donc pédagogique (même si les tenants et aboutissants du conflit restent troubles si l'on ne fait pas de recherche par soi-même). Il est ainsi plus construit comme un documentaire classique d'Arte que comme un divertissement. Ce en quoi il est perturbant (et il m'a au début perturbé), c'est qu'il alterne des scènes d'action rythmées avec une musique de clip et de vrais témoignages, plus calmes (voire un peu trop lent), renvoyant au travail journalistique. Le tout avec une esthétique de bande dessinée qui, après l'avoir revue, est très belle. Soupoudrez Enola Gay en fond musical et vous obtiendrez cet ovni.


Ce qui fait qu'on met la moitié du film à ne pas savoir quoi en penser, ni comment se positionner pour l'appréhender et cela jusqu'au dénouement final, qui donne en cinq minutes toute sa force et sa cohérence au film. D'ailleurs cette fin est très particulière, car elle enterre le joli dessin agréable à regarder pour balancer dans la gueule du spectateur la réalité des crimes. Ce documentaire prend donc toute sa force grâce au dessin car le graphisme séduit le spectateur et l'amène à adhérer à cette histoire qui aurait sûrement été beaucoup plus banale si elle avait été filmée de manière traditionnelle. Ce film est aussi intéressant car il utilise la confrontation dessin/film, souvenirs/réalité et on peut se demander s'il aurait été aussi fort en ne restant que du dessin animé. Est-il nécessaire au documentaire de montrer de la photo pour prouver une vérité ? La conclusion du film pointe sans le vouloir les limites du dessin-reportage.
Quant à l'esthétique du film, elle est impressionante. Le dessin est très beau et agréable à regarder, les mouvements ultra fluides et naturels. En tant que non cinéphile, je le trouve tellement bien filmé (cadrage, rythme de l'action) que j'ai cru qu'il était fait en rotoscopie (dessin en décalquant un film). Certaines scènes sont tellement belles et fortes (sortie de l'eau des soldats devant les immeubles en feu, bichromie noir/jaune) qu'elles s'affranchissent de la comparaison dessin animé/"vrai film" et prennent un statut artistique à part entière. 
Petit bémol : l'animation lorsqu'elle est "totale" (récits du passé) nous plonge au coeur du film et les voix off et les coupures avec le présent cassent quelques peu le rythme et peuvent frustrer le téléspectateur qui a envie de se laisser emporter par l'histoire.

La bande son du film est aussi très bonne et sert totalement l'animation, passant du tubes des années 1980 (rendant les scènes surréalistes) à des concertos pour piano de Bach. De nombreux morceaux ont aussi été conçus spécialement pour ce film, ils collent parfaitement à l'action et renforcent l'image par la pesanteur des sons.

En conclusion, que l'on aime ou pas, avec ses défauts, ce film est à voir, car il sort vraiment du lot, il est éblouissant et ouvre une nouvelle voie au documentaire.

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commentaires

N
<br /> " mais alors pourquoi "tout le milieu du cinéma et les critiques" l'ont estampillés "documentaire" ? "<br /> <br /> Parce que c'est tous des cons ?<br /> <br /> <br />
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M
<br /> Toutes mes felicitations pour ce premier article, qui est très interressant!<br /> <br /> <br />
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N
<br /> Halala je suis fière de mon 1er article sur ce blog !<br /> Sinon quant à savoir si c'est un documentaire ou non, je suis plutot d'accord avec toi, mais alors pourquoi "tout le milieu du cinéma et les critiques" l'ont estampillés "documentaire" ?<br /> <br /> <br />
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N
<br /> Tout d'abord : bienvenue à Nathalie sur le site du côté des coulisses ! C'est un plaisir.<br /> <br /> Je profite de ta première chronique pour amorcer une discussion sur ce point essentiel que tu soulèves à propos de "Bachir" : la distinction doc/fiction. C'est une distinction extrêmement<br /> importante en cinéma puisqu'elle se situe au fondement de la technique. Pour schématiser, les débuts du ciné en France sont scindés entre le documentaire (par les frères Lumière) et la fiction (par<br /> Georges Méliès) qui deviendront les deux grands "genres", même si l'un (la fiction) nous est beaucoup plus familier aujourd'hui.<br /> <br /> Pour autant, je ne suis pas d'accord avec toi : pourvu d'une trame narrative, Valse avec Bachir est une fiction. Qu'elle emprunte des éléments du doc comme peut le faire un Paul Greengrass,<br /> d'accord, mais dès lors qu'il y a diégèse, il y a fiction. Il est faux de dire que la seule narration définit la fiction (un doc peut être narratif), par contre l'existence d'un espace diégétique<br /> (à savoir un univers défini par le récit) donne une fiction. C'est encore plus intéressant dans ce sens là ! Ari Forman avait visiblement l'intention de faire un film "à message", et il choisit non<br /> pas un documentaire, mais plutôt une fiction de style documentaire, pour appuyer son propos.<br /> <br /> <br />
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