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  • : Le Massacre
  • : " On a qu'à appeler ça Le Massacre alors. " Mickaël Zielinski, Nicolas Lozzi, mai 2009.
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20 mai 2010 4 20 /05 /mai /2010 12:48

http://www.film-stream.line55.net/films2/Gladiator.JPG

 

♦♦

Technique 

Esthétique ♦♦

Emotion 

 Intellect    

 

 

Le service public a des vertus insoupçonnées. Certes, il vous fait payer des sous, vous enterre sous des tonnes de papiers, vous répond mal au téléphone, mais parfois il vous offre aussi quelques films à grand spectacle diffusés sur la chaîne de la campagne landaise et du poisson : France 3. La grosse Amérique débarque sur nos écrans, à sa tête deux des plus gros pourvoyeurs de blockbusters estampillés Festival de Cannes : il n'y a, bien sûr, pas de hasard. Nous aurons dans un premier temps le film sans doute le plus connu de celui qui ouvre le Festival cette année avec un Robin des Bois qui semble bien pourri (avec, en prime, le même acteur principal), je parle de Ridley Scott, puis en deuxième partie de soirée le meilleur film, oui osons le dire, du président du jury de cette année, Tim Burton.

 

J'avais quinze piges quand Gladiator est sorti au cinéma en France. À l'époque, j'avais adoré le grand spectacle plein de phrases qui résonnent dans l'éternité, mais point trop l'histoire que je trouvais ennuyeuse – trop de blabla, pas assez de combats. Mais jeunesse se passe, esprits murissent, fleurs éclosent, voilà qu'aujourd'hui – dix ans après, putain de Dieu – l'impression est exactement inverse : le scénario est en béton armé (signé David Franzoni), mais la réalisation manque de prestance et la mise en scène est souvent très maladroite. Excellent scénario disais-je : voyez-vous, Russel Crowe n'est pas encore Robin des bois, chronologiquement parlant il reste correct puisqu'il est général romain sous les ordres de l'Empereur Marc Aurèle. Russel est très fort, il gagne une guerre presque à lui tout seul contre de stupides teutons, mais ce pacifiste bêlant ne souhaite que rejoindre la verte pelouse du cocon familial. MarcAu a un autre destin pour lui : devenir le protecteur de Rome à sa mort, rien que ça (je parle de la mort de Marc Aurèle, bien sur, pas celle de Russel, sans quoi il ne saurait être le protecteur de quoi que ce soit, non mais suivez un peu). Russel, futur Robin Hood et subséquemment méfiant à l'encontre de toute forme de pouvoir, n'a pas le temps de refuser : le vieux et sage MarcAu est assassiné par son propre fils, Commode (je vous épargne ici une vanne à deux balles, vous pouvez me remercier), lequel est en réalité Johnny Cash qui n'est autre que Joaquin Phenix, le plus grand acteur d'Hollywood, révélé par ce film. Exilé et laissé pour mort, en plus de voir femme et fils massacrés, Russel – vous connaissez la vieille rengaine – devient esclave, puis d'esclave gladiateur, et de gladiateur abeille qui pique le nouvel Empereur Commode, lequel n'est pas commode (ah, elle m'a échappé).

 

      http://www.maxi-fond-ecran.com/fond-ecran/cinema/gladiator_006.jpg

"Je m'en fous de ton thé Ridley. J'ai demandé de la bière sur le tournage : DE LA BIEEEEERE."

 

 

"Le pouvoir n'est pas dans le marbre du Sénat, mais dans le sable du Colisée", dit un vieux sénateur en toge blanche, très jolie phrase qui renferme aussi le sujet du film. Avoir le pouvoir, c'est maîtriser le divertissement du peuple – et l'on prend ici divertissement dans son double sens, moderne et littéral. Gladiator n'est pas tant un film de vengeance, de combats guerriers et de perfides trahisons, tel qu'il a pu être décrit. Le coeur du film est bel et bien politique : l'intrigue est tout entière tendue vers ce noeud central qui voit Commode faire face à tous ses ennemis (sénateurs, soeur indigne, Russel Crowe) sous le bouclier de la ferveur populaire. Joaquin Phénix structure le film autour de sa formidable interprétation. A contrario, Maximus peine à être un héros crédible, car il ne devient intéressant qu'au contact des personnages secondaires dans des scènes jolies (face à Marc Aurèle, Commode, Proximo le jeune Lucius) ou pas belles du tout (face à Lucilla). Prenons par exemple le second film dont nous parlerons plus bas : Batman le retour. Voilà un film qui expose quatre personnages principaux aussi charismatiques les uns que les autres : Batman, Catwoman, Pingouin et Max Shrek, lesquels parviennent tous à exister grâce à un rythme et des mises en scène étudiés, qu'ils soient seuls ou au contact des autres. C'est tout l'inverse dans Gladiator. Cela arrive souvent dans une fiction, me direz-vous, le héros se fait voler la vedette : oui, mais le personnage est trop isolé de ces figures fortes qui ne se frottent à lui que sporadiquement, et par un effet accablant, toutes les autres scènes obsédées par Crowe seront extrêmement laborieuses et mal jouées, que ce soit en compagnie de ses subalternes (soldats, esclaves, gladiateurs) ou dans sa souffrance intime, qui donne lieu à des inserts pleins de filtres de couleurs, censément poétiques, qui se révèlent tout bonnement horribles de laideur.

 

Il y a néanmoins dans ce film une très belle déclinaison de toutes les échelles de l'affrontement physique. Armée contre armée, un contre un, deux contre deux, plusieurs contre plusieurs, joute pour public restreint, pour grand public, lutte à mort, tout cela n'est bien sûr pas anodin. Verser le sang est toujours un spectacle voué à satisfaire les masses, spectatrices de la mort : c'est vrai dans le Colisée, mais aussi dans la guerre, Maximus et Marc Aurèle le disent fort bien dans un dialogue important au début : les conquêtes ont systématisé les massacres au nom de la "grandeur de Rome", autant dire pour une vaine quête de gloire. Maximus, de général, devient gladiateur : c'est la suite logique de sa fonction, il est toujours destiné à tuer pour la gloire et le spectacle ("gagne la foule", lui dit son proprio Proximo, très bien campé par Oliver Reed), sauf qu'à un moment donné il devient un électron libre, un artiste qui sait gagner la foule pour mieux exprimer une contestation (c'est la scène de "clémence" où il épargne son adversaire contre la volonté de l'Empereur), ce que l'on appelle en sociologie de la communication un culture jammer. Et c'est là que Ridley Scott part en couille : il ne fait pas le film de son scénario ! Alors que la fiction s'évertue à affirmer que le spectacle peut être détourné en une forme de contre-pouvoir, le réalisateur tombe dans les écueils du blockbuster et de l'esthétique tape à l'oeil : ralentis incessants, rythme saccadé, insistance sur les effets spéciaux, sempiternels gros plans sur l'acteur principal. Aucune scène véritablement belle à dégager de tout ça. Gladiator, ambivalent et irritant, est un grand film raté.

 

 

      http://bebsisms.files.wordpress.com/2007/09/batman-returns.jpg

 

Technique 

Esthétique 

Emotion 

Intellect    

 

Et maintenant, le contraire : Batman le retour est un grand film pas raté. Je n'ai jamais particulièrement apprécié le premier exercice de Tim Burton dans le domaine du super-héros : trop de scènes sans intérêt, un personnage de méchant trop omniprésent, un Jack Nicholson qui en fait des tonnes, bref. Mais le deuxième essai par contre, outch, pan dans le dents quoi !

 

Je ne vous fait pas le coup du pitch. Bon si, un peu quand même : Batman, le justicier en forme de chauve-souris high tech, mais aussi son alter ego Bruce Wayne, voient d'un mauvais oeil l'émergence, dans l'ombre du maire de Gotham City, de Max Shrek, un personnage influent de l'énergétique, aux confluents de l'industrie et de la politique. Ledit Shrek, sans vergogne, n'hésite d'ailleurs pas à éliminer sa secrétaire un peu trop curieuse, qui survit à une chute de 40 étages pour devenir Catwoman, ni à pactiser avec un étrange personnage, le Pingouin, orphelin élevé dans les égoûts par une communauté d'oiseaux pas manchots. Tout ce beau monde va s'allier, se trahir, s'asticoter, se provoquer et finalement s'affronter, tout au long des deux délicieuses heures de métrage concoctées par Tim Burton.

 

 

http://l.yimg.com/eb/ymv/us/img/hv/photo/movie_pix/warner_brothers/batman_returns/christopher_walken/batmanreturnsdvd.jpg

On en parle jamais, alors je le montre : Christopher Walken est le plus grand acteur du monde pour ce qui est des meurtres par défenestration.

 

On l'a dit plus haut, la mise en scène des confrontations entre les quatre personnages principaux fait tout le sel du film. Aucun des personnages n'aura droit à plus de faveurs que les autres de la part du cinéaste : chacun a droit à une présentation ("naissances" de Catwoman et du Pingouin, complots de Max Shrek avec le maire, surveillances inquiètes de Batman dans son antre souterraine), une action (par exemple le "coup d'éclat" du Pingouin qui sauve l'enfant du maire, les actions de justice féministes menées par Catwoman) et une confrontation. Ces points de rencontre donnent les plus beaux passages du film, et je pense notamment à cette scène savoureuse entre Catwoman et le Pingouin, mise en situation autour d'une cage à oiseau. Mais il ne faudrait pas oublier celui qui, à mon sens, est le personnage central et le plus important de l'histoire : Max Shrek ! Quelle composition de Christopher Walken, un acteur que j'adore évidemment, mais rendons justice également aux autres acteurs principaux : Michael Keaton, Michele Pfeiffer et Danny de Vito sont, chacun dans leur genre, au top ; voilà ce qu'est un vrai film de comédiens, voilà ce qu'est un casting qui déboite.

 

Pour courronner le tout, visuellement c'est très beau. On passera sur les scènes de baston et d'action qui, logiquement, deviennent contractuelles aux deux tiers du film environ – elles sont laides, fades et inintéressantes – mais tout le reste est sublime. C'est, notamment, un des rares films où Burton utilise vraiment la mise en scène, c'est-à-dire qu'il ne se contente pas de filmer bêtement ses acteurs devant des décors féeriques sous un éclairage mitonné. Cette fois-ci, il utilise le montage, notamment pour former des parallèles entre deux scènes (les deux passages où Michele Pfeiffer rentre chez elle, "avant" et "après" son "décès"), ou encore pour orienter le cadre en fonction de son personnage du Pingouin, au regard et à la taille inhabituels. Pour toutes ces raisons, honorons comme il se doit le gentil Tim et bannissons le méchant Burton qui depuis 10 ans semble décidé à nous servir de la soupe.

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commentaires

N
<br /> wééé du blockbuster !!!<br /> n'étant pas une spécialiste de la mise en scène, je suis sûre que je trouverais toujours Gladiator agréable à regarder...<br /> sinon d'un point de vu formel tes billets sont de plus en plus agréables à lire, soit tu t'es amélioré en fluidité d'écriture,(ce que je crois) soit je me suis habituée à ton style...<br /> <br /> <br />
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