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  • : Le Massacre
  • : " On a qu'à appeler ça Le Massacre alors. " Mickaël Zielinski, Nicolas Lozzi, mai 2009.
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26 mars 2012 1 26 /03 /mars /2012 14:40

La loi des séries... c'est la distance qui sépare les mathématiques de la numérologie. Par exemple, en deux soirs, j'ai vu deux films d'affilée dont je ne savais quasiment rien dans un cas comme dans l'autre, et il se trouve que le sujet de ces deux films est justement cette distance entre science et mystère. Quelles étaient les chance qu'une telle série se produise. Dois-je appeler cela une probabilité ou un destin ? L'idée est passionnante mais la vision de ces films prouve encore une fois, et d'une manière éclatante, à quel point le sujet n'a strictement aucun poids dans la qualité d'une oeuvre, à quel point c'est la manière et non le "texte", qui importe.

 

 

http://images.fan-de-cinema.com/affiches/thriller/numero_23,0.jpg

 

 

♦♦♦♦

Technique ♦♦♦

Esthétique ♦♦♦

Emotion ♦♦♦

Intellect  ♦♦♦

 

 

Numéro 23 adapte l'architecture du film schyzophrène (Fight Club, Sixième sens...) à la numérologie. Je n'ai su que Joel Schumacher était l'auteur de la chose que dans le générique final : ah ça, si on m'avait dit avant, je me serais abstenu ! Je rappelle que Schumacher, ce n'est pas qu'un pilote automobile : c'est aussi le réalisateur de Batman 3 ou encore Phone Game. Phone Game, quand même ! Conforme à ses habitudes, Joel, qui n'est pas un méchant garçon, tente d'instaurer du mystère malgré la présence de Jim Carrey, pas crédible du tout dans le rôle titre. Il y parvient à peu près dans un premier quart de film sobre. Par la suite, il retombe dans ses marottes : effets visuels vomitifs et intempestifs, effets spéciaux hyper mal incrustés (il y a un passage en flashback, je crois que j'ai jamais vu de numérique aussi moche), scénario qui se délite faute d'idées, mise en scène tape-à-l'oeil. L'histoire, c'est Jim Carrey qui devient fou à cause d'un livre qui semble raconter sa vie et fait du nombre 23 le pivot maléfique de son existence. Du coup, il le voit partout, bascule dans l'ésotérisme complet, devient parano. L'écart inconciiliable entre mathématique et numérologie mène à la folie, et on verra que c'est pareil dans le film suivant, ce qui met quand même l'accent, de manière intéressante, sur le caractère insaisissable du chiffre : le chiffre pris comme symbole peut être facilement interprété comme une solution à l'arbitraire.

 

Sans surprise, Le numéro 23 est une bouse boursouflée qui ne sait plus comment faire pour captiver le spectateur mais oublie les manières les plus simples (et complexe à la fois) : faire de la mise en scène, installer une ambiance. À la place, on assiste à un festival de tremblements, fondus et luminosités foireuses, et je ne parlerai pas des musiques par politesse. Pour conclure, je vous annonce que je suis né un 2 mars 1985. 02/03 >>> 23 ; 1 + 9 + 8 + 5 = 23. Hum, hum

 

 

http://kafemath.fr/2007-08/pi-aronofsky.jpg

 

♦♦♦♦

Technique ♦♦

Esthétique 

Emotion ♦♦

Intellect  

 

Pi est donc très proche dans plein de choses (scénario, thématique, conclusion) mais pas dans le traitement. La nuance est essentielle. Nous avons cette fois-ci un mathématicien très talentueux, genre gros cérébral asocial qui vit dans un appartement sale entièrement bouffé par du matériel informatique de pointe. Sa seule distraction, c'est d'aller jouer au go (belle utilisation de ce jeu d'ailleurs, et très pertinente, puisque s'il est bien un jeu mettant en scène l'algèbre et ses applications cérébrales, c'est bien lui) avec son mentor, vieux prof qui a abandonné les maths pour se recentrer sur des choses simples de la vie. Son obsession, c'est de chercher dans cette immense opération comptable perpétuelle qu'est la Bourse une séquence qui lui donnerait la "clé" du système et lui permettrait d'anticiper toutes ses évolutions. Il est harcelé par une firme qui veut exploiter sa recherche : c'est le versant matérialiste, capitaliste. Mais aussi par des kabbalistes (sans en faire des pages : branche de la religion judaïque qui étudie la Torah comme un code hermétique) qui attendent de lui la révélation d'une séquence de 216 chiffres sacrés, cachée dans les textes et qui, en gros, donne accès à Dieu. C'est le versant spirituel. Il se trouve pourtant que, pour les deux versants, la séquence pourrait bien être la même. Le pauvre mathématicien est donc déjà harcelé, mais il souffre aussi de migraines atroces et récurrentes, n'a pas spécialement d'amis, de famille, de femme. Bref, sa vie c'est don obsession, son outil c'est son cerveau.

 

 

http://2.bp.blogspot.com/-OHyrENVgThQ/T1rIlsfIUcI/AAAAAAAALwQ/_Vvy1GPVVT0/s1600/3.jpg

 

 

Aronofsky enrobe tout ça dans un noir et blanc où les textures varient à loisir, de la plus sale et imprécise (surtout dans les scènes d'intérieur et de malaise) à la plus nette et éclatante (surtout dans les scènes d'extérieur, de calme et de contemplation), souvent de façon pertinente par rapport au moment, au sentiment et à l'environnement. Pas toujours, notez bien. Cette manière genre "cinéma indé" gonfle un peu parfois, par excès, mais Darren a la prudence de ne pas surenchérir trop longtemps lorsqu'il sent que l'effet est difficile, que ce soit un tremblement, une transition, une sonorité. Il y a juste deux ou trois passages qui frisent l'illisible, mais ça reste ténu. Pour la plupart des scènes de ce court film, néanmoins, les idées fusent, le montage use des répétitions et des mises en relations, et cette esthétique fluctuante décrite plus haut appuie sensiblement sur le ressenti émotionnel, c'est très bien fait. Les idées, prises comme motifs intellectuels (la relation organique/mécanique, l'intelligence supérieure et pourtant invisible de la nature, etc.) sont agréablement imbriquées au projet narratif. Il y a un modus operandi, qui fonctionne. Pourtant, le côté expérimental peut donner une sensation de trop-plein. Prenons par exemple les deux idées fortes, l'une de cadrage et l'autre de montage. 1 : une caméra est fixée au personnage principal et le filme frontalement ; comme c'est lui le point d'ancrage du champ, son corps et son visage restent fixés au centre du plan tandis que le décor est sans cesse mouvant. 2 : une succession de très courts inserts en gros plans est utilisé pour suggérer les actions répétitives (absorption de cachets, ouverture de serrure). Deux effets qui seront d'ailleurs réutilisés deux ans plus tard de manière plus "mainstream" dans Requiem for a dream, qui allait habilement détourner le sujet vers l'addiction en gardant des manières similaires (et une plus grande maîtrise narrative). Eh bien je suis partagé : ce sont de petits coups de génie, mais un poil démonstratif quand même. Comme Schumacher, Aronofsky use des effets, c'est-à-dire tout ce qui vient perturber la narration classique. Mais on peut au moins concéder un truc au second : c'est bien plus beau. C'est aussi au service d'une vraie mise en scène, du coup le film, préoccupé par les mêmes thématiques, existe considérablement mieux, et fait mieux vivre les idées.

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commentaires

N
Toi aussi, tu peux contribuer aux commentaires du Massacre et améliorer le bonheur du monde. Suis l'exemple de Cacarlota, c'est facile !
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C
Caca et pipi qui est aussi un super album jeunesse à l'école des loisirs collection loulou et cie que je recommance à tous, petits et grands !
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