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  • : Le Massacre
  • : " On a qu'à appeler ça Le Massacre alors. " Mickaël Zielinski, Nicolas Lozzi, mai 2009.
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28 novembre 2011 1 28 /11 /novembre /2011 12:43

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Pour assurer le coup, j'avais décidé d'emprunter deux séries jugées solides pour meubler mes longues soirées d'hiver. L'une en trois tomes terminée, l'autre en trois également mais qui va se poursuivre jusqu'au cinquième volume. Je ne pensais guère me tromper. Pourtant, l'une et l'autre allaient me décevoir pour des raisons et dans des registres complètement différents, voire même opposés. C'est l'idéal pour transformer cette chronique en une magnifique exposition de certains principes artistiques ; en effet, la première de ces sériex pèche par sa trop grande ouverture, l'autre par son trop grand hermétisme.

 

Siegfried (Alex Alice, Dargaud)() est une adaptation de la légende des Niebelungen, fort beau mythe qui est loin de me laisser indifférent. Le personnage-titre est un jeune orphelin élevé par un Niebelung (un habitant des profondeurs), Mime, qui se trouve être le forgeron créateur de l'Anneau possédé par un dragon. Siegfried, aidé par une Walkyrie fille d'Odin, le Dieu des dieux, entreprend de retrouver et tuer le dragon, pas tant pour récupérer l'Anneau que pour découvrir où se cache sa race, celle des humains. Évidemment, la légende n'est pas traitée dans son entier et Alex Alice prend des libertés, mais qu'importe, il a parfaitement saisi l'idée de la mythologie scandinave et germanique reprise par Wagner dans son célèbre opéra, et cela accouche notamment d'une esthétique très soignée aux idées parfois brillantes. Dans le tome 2 – le meilleur – voir les géants (qui sont en fait la personnification des phénomènes naturels) prendre des formes vagues parmi les montagnes ou les tempêtes est assez saisissant. Dans le même tome, le jeu de temporalité qui se crée entre la prophétie de la sorcière (qui prédit l'avenir à la Walkyrie), l'action réelle vécue par Siegfried et la perte de ce dernier dans un espace-temps confus, le haut, le bas, le présent et le futur se confondant au gré du découpage, est lumineux. Pour autant, l'ambition centrale de la saga reste le grand spectacle, et les poncifs du scénario épique hollywoodien ne manqueront pas d'être déclinés sagement. Dommage que l'ensemble de la trilogie n'ait pas l'ambition et l'originalité du volume central, l'ouverture et la fermeture restant conformes aux clichés habituels. Les expériences narratives restent finalement cantonnées à de brèves apparitions, les dialogues sont bateau, le personnage de Mime est sempiternellement réduit à celui du comparse gaguesque qui permet de relâcher la tension. Dommage, dommage...

 

Encore plus dommage pour Servitude (Fabrice David, Éric Bourgier, Soleil)(). On est dans un monde de fantasy mais essentiellement composé d'éléments médiévaux classiques (style Trône de fer), dans lequel trois royaumes s'affrontent et/ou s'allient tandis que plane la menace, au Nord, du réveil des dragons et d'hybrides dragons/humains nommés drekkars. Très belle ambiance esthétique, sépia, avec des architectures et des décors souvent superbes, des passages intimistes un peu plus quelconques mais qu'importe. Avec beaucoup plus de constance que dans Siegfried, l'aspect technique est remarquable. Il n'y a qu'à voir le découpage de la première planche du premier tome (hors intro) : tout le reste est à l'avenant. Échelles de plans, renversements d'axes qui magnifient et font sens tout à la fois, scènes d'action claires et fluides, c'est un vrai plaisir. Mais Servitude se plante aussi, cette fois-ci au niveau du complexe scénario et de sa mise en scène. Au premier volume, ce n'est pas encore criant. Je me disais même que je tenais là l'ébauche d'une grande saga de fantasy. Dès le deuxième tome, l'écueil : au bout de dix pages, je me rends compte que je ne pane rien à l'histoire. Je poursuis, espérant que des explications vont éclaircir tout ça rétrospectivement. Mais non, rien. C'est alors que je m'aperçois qu'il y a dix pages de paratexte (glossaire, paragraphe explicatifs, etc.) en fin d'ouvrage, et quelques autres au début. Et là je décroche : quand ou fait une BD, il faut que les informations soient transmises par le découpage ! Bordel ! S'il est nécessaire de se fader quinze pages de lecture pour comprendre un tant soit peu les détails et les enjeux, alors ce n'est plus de la BD. Fallait faire un roman. C'est désespérant parce que techniquement ça reste brillant. Las, je me suis carrément arrêté de lire les dialogues pour le troisième tome, me contentant de savourer la beauté de la mise en scène – une mise en scène malheureusement stérile en ce qu'elle n'éclaire pas la diégèse. Amère déception.

 

Et finalement, c'est donc la petite BD que j'avais prise en plus, comme ça, pour compléter, qui sera une BD de la semaine bien méritée. Jésus Marie Joseph (Michel Faure, Glénat)() a tout pour passionner et y parvient. D'abord, un argument original basé sur les légendes bibliques : on sait que l'archange Gabriel a révélé à Marie qu'elle allait mettre au monde le Messie ; soit. Mais Joseph, comment a-t-il été prévenu qu'il allait être le père de cet enfant ? Voilà ce qu'on nous raconte. Un ange (d'apprence féminine) croise sur Terre le parcours de trois Rois en qui l'on reconnaît tout de suite les Rois Mages, chacun recelant une partie de ce que doit être le compagnon parfait de Marie : Melchior est le meilleur des amants, Balthazar le meilleur des pères, Gaspard le meilleur des frères. C'est en la compagnie de ce dernier que la diégèse reste centrée, l'ange racontant au fil de son voyage à ses côtés le récit de ses recherches, en flashback. Système narratif très intelligent, les allers-retours passé/présent sont habilement gérés, l'histoire fort belle et touchante (on comprend que l'ange est cette fameuse "étoile du berger" qu'ont suivi les Rois Mages pour parvenir à Bethléem). De plus, la technique de dessin est très jolie, cela fourmille de détails sans être étouffant, c'est visiblement de la peinture, chaude et ample, pointilliste quand il le faut, et pour finir les personnages sont superbes, opaques, habités. Je ne connaissais pas cet auteur, mais là, de l'idée à la réalisation, c'est un travail impeccable et une réelle bonne surprise de cette année.

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