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  • : " On a qu'à appeler ça Le Massacre alors. " Mickaël Zielinski, Nicolas Lozzi, mai 2009.
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3 octobre 2010 7 03 /10 /octobre /2010 18:02

 

 

 

 

Les froids gagnent doucement la Provence. Au sein des douillettes librairies pourtant, la guerre fait rage, se déploie en un enfer de batailles étouffantes. Le placement des bandes dessinées sur les podiums et lutrins devient une véritable énigme, la durée de vie de la BD moyenne est réduite du tiers, et le client – spectateur de l'affrontement – se trouve submergé sous la multitude. C'est au critique, accessoirement libraire et très gentil, qu'il revient de défricher le sentier, et je m'y emploie avec une calme lucidité : il est impossible de tout lire et tout connaître, aussi m'en remettrai-je au hasard, à l'envie subite, à l'impulsion, à l'impression.

 

L'impulsion me dirige sans virage vers le quatrième tome de Blacksad (Diaz Canales & Guarnido, Dargaud)(), difficile de l'ignorer – il est partout, et c'est aussi de mon fait. Comme pour prouver que le potentiel commercial d'une oeuvre (dans un sens ou dans un autre d'ailleurs : la BD dite "indé" ne recèle pas que des trésors, loin de là, et les publications des "mastodontes" que sont Dargaud, Dupuis ou Glénat sont parfois de grande qualité, la preuve) n'interfère en rien dans mon jugement, Blacksad sera la BD de la semaine. Les deux auteurs restent d'une totale honnêteté, après trois premiers tomes que j'ai adorés et qui doivent leur conférer une sorte de sérénité financière pérenne, et le soin apporté à la réalisation de ce nouveau volume reste très élevé. Je rappelle le principe de Blacksad : une petite intrigue de polar résolue par un privé en forme de chat, dans un environnement où tous les personnages sont pertinemment stylisés en animaux. Cette transformation "ovidienne" fait tout l'intérêt de la série, et une fois encore le plaisir esthétique est immédiat. Ajoutons à cela que l'intrigue se déroule cette fois à la Nouvelle Orléans, que le dessin est plus beau que jamais, avec une magnifique déclinaison de tonalités, toutes les deux ou trois planches, et vous avez tout compris. Tout au plus pourrait-on remarquer, comme l'a fait mon compagnon libraire Jef, que dix pages de plus n'auraient pas dépareillé.

 

Deux autres excellentes BD néanmoins : deuxième volume de Silex and the city (Jul, Dargaud)(), parodie préhistorique du présent social et politique. Cela reste très drôle, assez fin, jamais répétitif, sur un mode proche de Pourquoi j'ai mangé mon père de Roy Lewis. J'aime bien. Un très curieux comic ensuite, C'est un oiseau (Steven Seagle [pas l'acteur de baston hein] & Teddy Kristiansen, Panini)(), dans lequel un scénariste de BD américain se voit confier la réalisation d'un épisode de Superman, suprême consécration dans cette branche et ce pays. Sauf que voilà, ledit scénariste ne parvient pas à faire sien le personnage finalement ambigu de Clark Kent, il nous raconte l'épisode traumatique qui explique ce blocage, et livre aussi quelques débuts d'idées avortées, hyper intello et irréalisables. Le dessin aux intonations variées transcrit très bien ce fourmillement disparate, le traitement comme le scénario sont terriblement inhabituels et diablement intéressants.

 

Lu ensuite le troisième tome de la série manga Bakuman (Tsugumi Ohba & Takeshi Obata, Kana)() dans laquelle, je le rappelle, il est question de deux lycéens qui veulent réaliser le manga ultime. La mise en abîme est toujours aussi efficace, avec cet "exosquelettisme" qui conduit les auteurs à montrer des nemu (des dessins préparatoires) de leur propre travail. Le milieu éditorial du manga est de mieux en mieux dépeint et exploré, et pourtant l'intrigue ne faiblit pas. Vraiment remarquable. D'ailleurs, dans le but de me familiariser avec ce medium tellement à la mode que je ne connais, finalement, pas très bien, je me suis décidé à emprunter un premier tome de série dans l'ordre alphabétique, comme pour les BD "traditionnelles". Ainsi, se retrouve dans mes mains L'académie Alice (Tachibana Higuchi, Glénat)(), l'un des tout premiers shojo (manga pour jeune fille) qu'il m'est donné de lire. Mon dieu, c'est insupportable. C'est l'histoire d'une gamine qui va retrouver sa meilleur amie partie dans une académie pour jeunes gens doués de pouvoirs spéciaux. La mise en page est constellée d'à-partés de l'auteur qui trahissent une naïveté sans borne, c'est vraiment le cliché du "manga de copines" bourré de fillettes aux yeux exorbités remplis de larmes à la moindre bifurcation scénaristique. Et puis ce découpage sans cesse hachuré de petits textes ou dessins extra-diégétiques, sincèrement, c'est un vrai chemin de croix.

 

Mais il y a du mauvais même dans l'ambition. La preuve avec le premier tome de Yaxin (Dimitri Vey & Man Arenas, Soleil)(), une histoire de petit faune dans un monde imaginaire au dessin certes soigné mais au propos hyper prétentieux, avec très peu de dialogues, un texte pompeux, une forme d'épure dans la mise en page qui gèle toute identification et toute empathie. On sent pourtant le projet travaillé et réfléchi, mais loin de nous, on ne se sent pas invité ni bienvenu dans cet univers hermétique. Enfin, ordre alphabétique oblige, Bouncer (Boucq & Jodorowsky, Humanoïdes associés)(), un western pas si dégueu alors que le genre me laisse habituellement froid. Contre toute attente, une histoire de vengeance dans l'Amérique profonde (oh my god !), un découpage un peu spécial par moments (de longues bandes sur la double-page, mouais) mais ça se tient bien avec une mise en scène assez incisive. Il est temps, maintenant, que j'aille fumer une clope avant qu'il ne fasse trop froid.

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