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  • : Le Massacre
  • : " On a qu'à appeler ça Le Massacre alors. " Mickaël Zielinski, Nicolas Lozzi, mai 2009.
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6 décembre 2010 1 06 /12 /décembre /2010 11:40

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C'est en tant que non cinéphile et non écrivaine que je vais faire ma première chronique, et ce, suite à la vision d'un film d'animation "extra-ordinaire", Valse avec Bachir d'Ari Folman. Je n'avais pourtant pas attendu que Arte le diffuse l'autre soir pour le découvrir. "film à voir, oscar etc..." pourtant, quand je l'ai vu pour la première fois il y a un an, j'ai eu beaucoup de mal à entrer dedans. Je dirais même plus que le graphisme m'a littéralement repoussé toute la moitié du film. Trop parfait, trop lisse, trop bien animé, trop de couleur photoshop... bref je n'avais jamais vu ça en animation (ou plutot si, ça me renvoyait au dessiné animé TF1) et je n'arrivais donc pas à adhérer à l'histoire, qui en elle-même ne m'intéressait pas plus que ça. Cependant le retournement final de situation ou plustôt la "chute" du film m'a fait un tel choc que j'ai changé d'opinion en cinq minutes, et ce film est passé de la catégorie "bof" à "superbe".

En le revoyant hier soir d'un oeil nouveau, je l'ai encore plus apprécié à se juste valeur. Et je vais donc vous raconter ce qui fait son intérêt ou ses faiblesses. Déjà, pour resituer l'histoire (en partie autobiographique), le héro, Ari, a la quarantaine, il a effectué lorsqu'il était jeune son service militaire en Israël, alors en guerre contre le Liban. En discutant de cette période avec ses amis (qui eux, sont  hantés par des cauchemars), Ari se rend compte qu'il n'en a aucun souvenir. Troublé, il décide de voir une psychologue et de retrouver ses amis, collègues, supérieurs, présents avec lui à ce moment, pour essayer de comprendre ce qui lui est arrivé, ce qu'il a vécu et pourquoi c'est effacé de sa mémoire.

Le film est donc construit sur d'incessants aller-retour entre ses questionnements et interrogatoires au présent, et les scènes du passés (racontées par ses amis ou lui même). Le spectateur suit en même temps qu'Ari l'évolution de ces souvenirs qui apparaissent et se reconstituent comme un puzzle, pour délivrer la partie effacée de sa mémoire. Ce qui est bien sûr intéressant, c'est qu'au delà de ses troubles de mémoires personnels, "la petite histoire", on découvre petit à petit la "grande histoire" en trame de fond, c'est à dire ce qui s'est passé durant cette guerre et notament les massacres de Sabra et Chatila. Ainsi le point de départ de ce film était le questionnement personnel, intimiste d'une seule personne, puis il évolue et nous plonge dans la couverture d'un conflit meurtrier, à travers plusieurs points de vues et témoignages de personnages différents. Le héros prend d'ailleurs beaucoup moins d'importance vers la fin, lorsqu'il retrouve ses souvenirs, et s'efface au profit de l'Histoire.

Certes ce procédé de retour "passé-futur", mémoire à reconstituer, n'est pas du tout nouveau en cinéma. Cependant ce film se démarque pour plusieurs raisons. On dit qu'il est le premier film documentaire d'animation (et il est aussi extrêmement rare qu'un film d'animation, dessin animé, s'intéresse à un thème historique aussi "lourd", et soulève des questions comme l'implication des soldats dans un massacre). J'ai hésité à accepter sa définition de documentaire, car il m'a d'abord fait penser à Persepolis, (histoire intime avec en trame de fond une guerre) cependant contrairement à Persepolis, ce film est construit par les témoignages des amis d'Ari, et le but final de cette enquête est de réveler au spectateur ce qui s'est passé à Beyrouth pendant cette période. Il se veut donc pédagogique (même si les tenants et aboutissants du conflit restent troubles si l'on ne fait pas de recherche par soi-même). Il est ainsi plus construit comme un documentaire classique d'Arte que comme un divertissement. Ce en quoi il est perturbant (et il m'a au début perturbé), c'est qu'il alterne des scènes d'action rythmées avec une musique de clip et de vrais témoignages, plus calmes (voire un peu trop lent), renvoyant au travail journalistique. Le tout avec une esthétique de bande dessinée qui, après l'avoir revue, est très belle. Soupoudrez Enola Gay en fond musical et vous obtiendrez cet ovni.


Ce qui fait qu'on met la moitié du film à ne pas savoir quoi en penser, ni comment se positionner pour l'appréhender et cela jusqu'au dénouement final, qui donne en cinq minutes toute sa force et sa cohérence au film. D'ailleurs cette fin est très particulière, car elle enterre le joli dessin agréable à regarder pour balancer dans la gueule du spectateur la réalité des crimes. Ce documentaire prend donc toute sa force grâce au dessin car le graphisme séduit le spectateur et l'amène à adhérer à cette histoire qui aurait sûrement été beaucoup plus banale si elle avait été filmée de manière traditionnelle. Ce film est aussi intéressant car il utilise la confrontation dessin/film, souvenirs/réalité et on peut se demander s'il aurait été aussi fort en ne restant que du dessin animé. Est-il nécessaire au documentaire de montrer de la photo pour prouver une vérité ? La conclusion du film pointe sans le vouloir les limites du dessin-reportage.
Quant à l'esthétique du film, elle est impressionante. Le dessin est très beau et agréable à regarder, les mouvements ultra fluides et naturels. En tant que non cinéphile, je le trouve tellement bien filmé (cadrage, rythme de l'action) que j'ai cru qu'il était fait en rotoscopie (dessin en décalquant un film). Certaines scènes sont tellement belles et fortes (sortie de l'eau des soldats devant les immeubles en feu, bichromie noir/jaune) qu'elles s'affranchissent de la comparaison dessin animé/"vrai film" et prennent un statut artistique à part entière. 
Petit bémol : l'animation lorsqu'elle est "totale" (récits du passé) nous plonge au coeur du film et les voix off et les coupures avec le présent cassent quelques peu le rythme et peuvent frustrer le téléspectateur qui a envie de se laisser emporter par l'histoire.

La bande son du film est aussi très bonne et sert totalement l'animation, passant du tubes des années 1980 (rendant les scènes surréalistes) à des concertos pour piano de Bach. De nombreux morceaux ont aussi été conçus spécialement pour ce film, ils collent parfaitement à l'action et renforcent l'image par la pesanteur des sons.

En conclusion, que l'on aime ou pas, avec ses défauts, ce film est à voir, car il sort vraiment du lot, il est éblouissant et ouvre une nouvelle voie au documentaire.

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29 novembre 2010 1 29 /11 /novembre /2010 13:45

 

 

Technique ♦♦

Esthétique

Emotion ♦♦

Intellect 

 

 

 

Sans surprise aucune, malgré un froid dévorant et une faim tenace, nous cédâmes aux sirènes du marketing infâme et à notre amour rowlingien pour nous diriger, les bras ouverts et le coeur en cadeau, vers le volet fraîchement sorti au cinoch des aventures de Harry Potter. Je ne peux manquer d'assombrir ce texte d'une oraison funèbre, car je viens d'apprendre la mort de Leslie Nielsen, et le monde artistique n'avait pas perdu de plus illustre ambassadeur depuis au moins, disons, William Shakespeare. Mais cela reste parfaitement raccord avec la chronique puisque, septième épisode oblige – la maturité et la sombritude allant toujours croissant chez le petit sorcier binoclard – le film de Yates est désespérément tragique et mélancolique.

 

Je ressentais néanmoins un a-priori positif au sujet de cette énième transcription des romans à succès de J. K., et j'ai eu raison puisque sans grande lutte possible, ce septième Harry Pot' partie 1 est le plus réussi de tous, à l'exception notable de l'intouchable numéro 3 de Cuaron (Le Prisonnier d'Azkhaban). Pour être plus précis, sont rassemblées toutes les promesses entrevues dans le précédent (après néanmoins un 4 et un 5 complètement foireux), à savoir une vraie mise en scène, une esthétique pas dégueu et des acteurs en progrès, avec en sus des défauts gommés par miracle. La scission en deux parties des Reliques de la mort est indéniablement un coup marketing, mais voilà une preuve éclatante que les retombées peuvent en être positives : ainsi rallongé du double de la durée prévue, voilà la trame narrative qui prend le temps de respirer, des scènes longues qui conséquemment deviennent prenantes, des passages "inutiles" pour la diégèse mais qui renforcent l'opacité, le rythme et la maturité du métrage. Prenons simplement cette succession de scènes au beau milieu du film qui voient Harry et Hermione, solitaires et paumés au milieu de la nature grand-bretonne aux décors splendides, qui ne font rien de spécial et prennent même le temps, en toute fraternité, de danser dans leur tente glaciale – un des plus beaux moments vus dans tous les Harry Potter confondus, tout simplement. Prenons encore la très jolie exposition du film, qui survient après un plan inaugural par ailleurs moche et sans intérêt (énorme plan sur les yeux du ministre de la magie...) : montage alterné des "départs" des trois personnages principaux ; Harry revisite la chambre miteuse sous l'escalier qui lui servit d'abri de jeunesse, tandis que les Dudley déménagent ; Ron s'inquiète dans la fraîcheur du soir à l'extérieur de sa maison biscornue ; Hermione enfin (devenue subitement le personnage le plus passionnant de tous, par la grâce d'une actrice surgie de son cocon) provoque l'amnésie de ses parents tandis que son image s'efface des photos de famille. Voilà une utilisation filmique de la magie qui est belle, intelligente et sensée.

 

 

Luna ou le meilleur personnage de Harry Potter toutes compétitions confondues (du moins dans la version ciné).

 

 

Les passages obligés (d'action, d'explication, d'émotion) se succèdent sans trop nous emmerder et pour faire avancer l'intrigue, et on ne pouvait pas vraiment en attendre mieux. Par contre, quelques plans en début de film (ceux montrant Rogue/Snape) sont vraiment beaucoup trop sombres, et on ne comprend rien à ce qui s'y passe. Il y a aussi une curieuse et malvenue obsession de Yates pour les fondus au noir, qui interviennent parfois sans logique aucune comme lors de la scène du mariage où Harry discute avec un vieux sorcier. Enfin, la principale faiblesse du film réside dans le texte adapté au départ : ce septième volet m'avait fort déplu à l'époque où je l'ai lu, tout engoncé qu'il était d'un appareil fantasy qui nous renvoyait cinq volumes en arrière, d'un brusque recul dans la maturité, d'une intrigue surchargée d'objets magiques lourdingues alors qu'un fil narratif plus construit et plus adulte nous tendait les bras (en plus, c'était franchement mal écrit et parfois à la limite de l'incohérence). Il est palpable que Yates a senti la faiblesse des Reliques de la mort à la base, et a compris l'intérêt de couper ce qu'il fallait pour aménager en lieu et place un scénario plus "cinématographique", profiter de tout ce temps de pellicule disponible pour construire une mise en scène plus ambitieuse. C'est très réussi.

 

Techniquement, les effets spéciaux sont plutôt bien intégrés, les luminosités on l'a vu sont parfois exagérément sombres, mais les scènes en extérieur sont superbes, et les moments forts assez réussis, ce qui était également un énorme défaut du 6 (voir chronique). Le juste jeu des acteurs (enfin !) notamment des trois principaux, est aussi pour beaucoup dans le brusque accès de crédibilité dont jouit le film, qui ne se départit pourtant pas d'un humour par petites touches sensibles et de vraies idées de mise en scène, à l'image des combats à la baguette qui ressemblent de plus en plus (par les bruitages, les cadrages) à des fusillades, évoquant ainsi un danger de plus en plus réel, de moins en moins étriqué dans le "risque" relatif du conte pour enfants. Et pourtant, on tient la grande scène féerique qui manquait un peu à la série : c'est celle où Harry suit dans les bois le patronus d'une biche qui le mène jusqu'à une épée légendaire emprisonnée dans un étang gelé. Conte, légende arthurienne, quête initiatique, tout est contenu dans ce moment. Rowling n'avait franchement pas besoin d'en faire plus que cela dans la symbolique fétichiste pendant tout le roman. Concluons sobrement et paraphrasons tous les journaux : on attend impatiemment la conclusion.

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4 novembre 2010 4 04 /11 /novembre /2010 09:57

 

Technique

Esthétique

Emotion ♦♦

Intellect 

 

 

 

"Et la déception n'en fut que plus grande", vais-je dire dans quelques phrases. J'avais pourtant, vous vous en souvenez, été joyeusement surpris par le joli Ne le dis à personne de Guillaume Canet. C'est confiant et serein – ne sachant rien du film néanmoins – que je me rendis en joyeuse compagnie dans un cinéma de quartier pour y débourser 9 euros, sans lunettes 3D heureusement, pour y voir la nouvelle oeuvre de la coqueluche française du moment. Et la déception n'en fut que plus grande. Comment, je l'ai déjà dit ?

 

Première scène très belle, en plan séquence : Jean Dujardin, visiblement défoncé, sort d'une boîte de nuit au petit matin, enfourche un scooter et se fait dégommer par un camion, tout cela suivi par une caméra qui lui colle le dos ou, éventuellement, le visage. Ca ne respire pas beaucoup au niveau du cadre, mais au moins la séquence de quelques minutes est-elle magnifiée par cette cohérence et un parti-pris visuel très marqué. Ce sera la première et dernière fois du film d'ailleurs. Par la suite, on bascule dans tout autre chose, et l'on passe 40 minutes à explorer le quotidien des meilleurs amis de Dujardin (rescapé mais lourdement hospitalisé). On suit surtout, et nous le verrons cela pose un gros problème de construction, la petite intrigue "de moeurs" de deux meilleurs amis, dont l'un (Benoît Magimel) s'est senti développer des sentiments plus qu'affectifs envers l'autre (François Cluzet), et a le courage de le lui avouer, ce qui aboutit à une dispute et une vaste incompréhension. Bon, finalement la bande d'amis, malgré leur pote au bord de la mort, décide de partir en vacances sur la côte Atlantique, ce qui nous laisse découvrir les premiers et seuls plans d'ensemble de tout le film, après 45 minutes montre en main.

 

 

 

Elle est belle, elle met de petits shorts rouges, elle est talentueuses... mais surtout, elle joue au foot !

 

Jusqu'ici, on n'avait droit qu'à des gros plans figés et moches alignés jusqu'à l'obsession dans des tunnels de champs/contrechamps dialogués absolument interminables. Cela s'améliore légèrement dès lors que les vacances commencent, quand bien même on ne se sentira jamais spacialisés dans ce film, n'ayant jamais le moindre plan un peu lointain ou composé qui permettrait de saisir un poil les espaces de la maison de vacances, du jardin ou encore de la ville. Il paraît impossible d'arracher la caméra à son obsession pour les visages des acteurs, et cela provoque donc l'effet inverse de celui recherché : Canet pense sans doute pouvoir asseoir son film tout entier sur un jeu de comédiens transcendés et charismatiques (Cotillard, Cluzet, Dujardin, Gilles Lelouche, tout de même) mais en l'absence de toute mise en scène, tout ce que l'on voit ce sont des acteurs qui surjouent (on a ainsi du méga-Cluzet et du over-Cotillard), étouffés dans un cadre qui les bichonne beaucoup trop jusqu'à leur retirer toute substance.

 

On se gondole assez bien néanmoins au milieu du film, qui devient une comédie de potes type Les Bronzés à Biarritz, alors que le scénario sème insidieusement les éléments moins marrants qui vont amener au drame, ou plutôt à tous les drames terminaux. En effet, des tonnes de micro-intrigues se nouent, qui desservent le métrage plus qu'autre chose, puisque à vouloir les mener de front, Canet perd le fil de ce qui se dessinait comme l'enjeu principal de l'intrigue (la relation Cluzet-Magimel, mise en avant puisque exposée avant le départ en vacances) pour finalement dénouer à toute vitesse, en un quart d'heure torché à la fin du film, tous les enjeux esquissés jusqu'alors. Ainsi, après une heure de dialogues ultra-chiants filmés avec flemme, quelques pointes drolatiques, d'autres dramatiques, pouf : "Cotillard-garde-le-bébé", "le-pote-meurt", "Cluzet-pardonne-à-Magimel-et-réciproquement", "trucmuche-retrouve-sa-gonzesse", "vite-vite-y-a-plus-de-budget". La comédie dramatique, un genre hautement casse-gueule devant lequel Canet se vautre sans retenue, ne devrait être faite que par des Anglais ; songeons seulement à Quatre mariages et un enterrement, que Les Petits Mouchoirs évoque vaguement sans en atteindre à quelque moment l'élégance, l'humour ni l'émotion.

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19 octobre 2010 2 19 /10 /octobre /2010 09:11

 

Technique ♦♦

Esthétique

Emotion ♦♦

Intellect 

 

 

Un petit français s'attaque à Harlan Coben. Ce pourrait être l'histoire du film. Franchement, à l'énoncé, voir le petit Guillaume Canet, jeune acteur et novice réalisateur hexagonal, adapter un monstre du polar littéraire (de réputation en tout cas, car je n'ai lu aucune traître ligne du monsieur), ça sonne culotté. Quand ça donne un chouette film c'est encore mieux.

 

Car voyez-vous, François Cluzet aime beaucoup sa femme, au bord d'un petit lac (le lac dans le polar/thriller : il y aurait un livre à écrire sur le sujet). Ils sont tout nus sur le ponton, sous l'éclat de la lune, et tout se passe bien. Mais évidemment, la nana s'éloigne un peu, et François l'entend se faire agresser sur la rive opposée. Anxieux, il plonge et la cherche mais se fait assomer et replonge dans le lac tout noir qui se confond avec un fondu. Huit ans plus tard, il est pédiatre, et l'on comprend que sa femme a été tuée, mais voilà qu'il reçoit un e-mail le jour de l'anniversaire de sa mort, qui lui montre une caméra de ville au-dessus d'une bouche de métro, de laquelle émerge, devinez-quoi, la femme en question. C'est l'occasion pour lui de se lancer à sa recherche et de croiser une pléiade d'acteurs francophones du meilleur goût : André Dussolier, Kristin Scott-Thomas, Nathalie Baye, François Berléand, Jean Rochefort et j'en passe, se trouvent justement dans les parages.

 

 

Plus rapide que Marathon Man.

 

 

De deux choses l'une : soit Guillaume Canet a réservé un gros budget "cachet des acteurs", soit il connaît du beau monde. Sans doute un peu des deux. Ainsi, la distribution est quand même monstrueuse : il n'y a pas un second, voire troisième rôle, qui ne soit pas campé par un chouette acteur (avec même quelques caméos sympathiques). Voilà déjà une bonne chose, et même si je ne réduis jamais un film à la teneur de son casting, j'ai trouvé l'ensemble fort bien dirigé et pas trop indigeste. Et puis Cluzet, j'ai toujours bien aimé, il fait bien le mec qui n'a rien demandé à personne et se trouve mêlée à une histoire triste et rocambolesque. Bon, donc, passons. Il y a surtout dans Ne le dis à personne une forme qui embellit un scénario très classique, quasiment de la série télé américaine. On aurait pu, d'ailleurs, se vautrer sur l'écueil du "film du dimanche soir sur France 2" qui n'a de long-métrage que l'appellation, indigne des salles obscures. Il n'en est rien (j'avais d'ailleurs vu ce film lors de sa sortie en salles et ça m'avait laissé un bon souvenir), car tout est réussi.

 

 

Plus intelligent que Will Hunting.

 

D'abord, le film est très bien rythmé grâce à un montage soigné, qui se permet même d'utiliser un rarissime fondu enchaîné qui sert à quelque chose pour superposer en flashback une scène de mariage et une scène de crémation : très joli. Canet sait se faire contemplatif au début, plus nerveux ensuite, et même de soutenir avec intelligence l'exercice périlleux de la "résolution" de l'énigme, lorsqu'un personnage révèle tout de l'affaire à la fin. Il sait ainsi épouser intelligemment la courbe d'une intrigue dont il n'est pas le créateur, réussissant le travail d'adaptation puisqu'il est transparent, et que l'on ne sent jamais aucun "trou" alors qu'il doit nécessairement en exister.

 

 

Plus charismatique que Dirty Harry : François Cluzet.

 

 

Qui pis est, Canet se payer le luxe d'avoir un bon chef op' qui éclaire fort joliment, surtout quelques plans aux abords du lac, le "noeud" de l'intrigue, très soignés dans la luminosité. Ensuite, sans être très créative, il y a une mise en scène qui existe, ce qui n'est déjà pas mal. C'est du langage relativement basique, il n'y a pas de composition de cadres hallucinantes, d'échelle de plans dégageant une forte personnalité, certes, mais au moins le langage est-il utilisé, et à bon escient. Ainsi Ne le dis à personne, et c'est là ce qui fait tout son intérêt à mon sens, présente-t-il l'aspect d'un polar américain bien troussé, honnête et réussi, avec en plus une vraie french touch, qui réside non seulement dans le "décor" et la transposition en France de l'intrigue, mais encore dans une manière de poser certaines scènes délicatement, de montrer des nus, qu'on ne pourrait pas voir dans un métrage américain de base. Bon allez, certains passages sont moins bien réussis, disons-le franchement, comme le rendez-vous au parc et la fusillade qui s'en suit, mais tout de même cela mérite une conclusion : il est possible de mélanger "l'élégance" française et l'efficacité étazunienne et d'en faire une bonne cuisine.

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12 octobre 2010 2 12 /10 /octobre /2010 09:55

 

(notes pour l'ensemble du diptyque)

 

Technique ♦♦♦♦

Esthétique

Emotion ♦♦

Intellect  ♦♦

 

 

Que recherche le spectateur lorsqu'il est irrépressiblement attiré par une fiction, lorsque son désir est à l'immersion ? Pourquoi certains amateurs recherchent-ils la singularité d'une esthétique nouvelle, maîtrisée et travaillée, quand d'autres trouvent leur plaisir dans la reproduction industrielle d'un schéma hollywoodien mille fois cloné ? Dans la mesure où cet antagonisme n'est jamais absolu, quelles variantes l'auteur peut-il aménager pour contenter un public maximum ? A-t-on besoin de perspectives et de références pour apprécier une oeuvre de fiction, ou doit-elle s'offrir sans aucun lien, dégagée de l'histoire de son médium, à notre regard ? Pourquoi certains spectacles reproductibles nous comblent-ils, tandis que certaines expérimentations nous laissent froids ? Quentin Tarantino s'est nécessairement posé toutes ces questions au moment de conceptualiser les deux volets de Kill Bill.

 

Mon impression, c'est que le spectateur recherche deux choses en "consommant" une fiction : du "même" et du "différent". Du "même" parce qu'il ne veut pas être totalement dérouté, être en terrain à peu près connu au sein d'un ensemble plus grand : un genre, un artiste, une nationalité, une époque. Lorsqu'il va voir un blockbuster hollywoodien, il accorde sa confiance à un système éprouvé localisé géographiquement (eh oui, Hollywood, c'est un lieu). Même chose lorsqu'il voit "le dernier Woody Allen", ou "un film de science-fiction", "un western", "un film d'horreur des années 1970", "une série télé américaine", etc. S'il a déjà éprouvé du plaisir au sein de cet ensemble, pense-t-il, il en éprouvera à nouveau pour une oeuvre appartenant au même ensemble. Il y a néanmoins deux problèmes au "même" : le premier, c'est que l'appartenance commune de deux oeuvres à un même genre, une même époque, etc., ne génère pas nécessairement un "même" suffisamment étroit, et ainsi le spectateur se sent-il floué si on lui propose sous la même étiquette, disons de "film de SF", Le Professeur Foldingue et Le Docteur Folamour ; le second, c'est que le "même" amène à la lassitude, à un sentiment de reproductibilité mécanique qui est notamment le gros problème d'Hollywood. À force d'emprunter un schéma narratif, une esthétique et une technique semblables d'oeuvre en oeuvre, on assure, certes, un grand confort au spectateur qui ne sera jamais bousculé, mais on prend aussi le risque de le perdre à la longue, quand bien même on sait qu'il recherche le "même" qu'on lui propose. Comment contenter pleinement cet enfoiré de spectateur ?

 

 

 

Apparition encombrante de Dieu à une adepte du tai chi au Parc Borelly.

 

La réponse est dans le "différent", cette autre chose que le public veut. L'amateur veut qu'on le surprenne. Ce sera même de pire en pire au fur et à mesure de son assimilation de la sphère culturelle. Par la forme, par le fond, par l'imbrication des deux, le spectateur cherche à être confronté à aux sentiments violents de la fiction : peur, surprise, interrogation. Il peut vouloir du "différent" radical, comme la découverte du cinéma hondurien des années 1930, ou encore du cinéma expérimental contemporain, voire même des films de Jean-Luc Godard (bon là c'est pousser loin quand même) ; c'est là le problème du "différent" : cela peut aboutir à un plan-séquence d'oeuf dur qui ne bouge pas. Nous avons quand même besoin de fils directeurs que nous partageons culturellement avec l'artiste, donc plus globalement l'idée est d'avoir du "différent" dans le "même". Être surpris au sein d'un ensemble dont on pensait connaître les caractéristiques, cela fait partie des plaisirs simples de l'amateur. Au-delà de ça, au-delà du genre et des ensembles pré-établis, il y a à mon sens – c'est du moins comme ça que je trouve mon plaisir – l'envie de regarder du "différent" qui ne soit pas absolu, qui soit affiché (par une esthétique, une technique, une diégèse, une idée, un jeu d'acteurs, une mise en scène...) au sein d'un système qui permette de comprendre la fiction. Du "différent" dans du "même".

 

Quentin Tarantino parle de cela dans les deux épisodes de Kill Bill. Le premier radicalise le "même". Longue litanie de références et de citations (le costume de Bruce Lee n'en est que l'objet le plus visible), ce volet inaugural concentre un panorama étonnamment élevé de tous les plaisirs immédiats procurés par un cinéma frontal et démonstratif. L'actrice belle et blonde, le scénario western de vengeance implacable, les combats japonais ritualisés, les chansons pop aux musiques semblables à des génériques ou des effets sonores, la narration en flashback, tout est rassemblé pour balancer du "même" dans tous les aspects même les plus ténus du métrage. On s'est beaucoup extasié de l'appareil référentiel de Tarantino dans ce film, mais il ne sert qu'à reproduire des instants de pur plaisir, ça vient tout droit du cortex préhistorique dirais-je, c'est le spectacle de la mort et des héros. Voyez cette scène au ralenti lors de laquelle Oren Ishii avance au ralenti avec tous ses sbires, en travelling arrière et sur la musique de Téléfoot, ne ressentez-vous pas l'indicible frisson inexplicable du contentement ? 

 

 

 

 

 

Le second Kill Bill, lui, amène dans le "même" cette part de "différent" que nous recherchions. Souvent décrit comme plus "contemplatif", moins expansif, plus sage, ce deuxième volet est avant tout plus expérimental dans la forme. Plein de surexpositions (particulièrement frappant lors du passage chez le vieux maître chinois), filmé d'un grain genre "film indé américain" pendant tout le long passage à El Passo, baigné d'une luminosité et d'un montage très travaillés lors du chapitre final chez Bill, tout cela constituant l'introduction de la surprise esthétique, et narrative donc puisque le déroulement de l'action est en effet très inattendu, dans le sens où l'héroïne inébranlable du premier épisode va souffrir, être battue, parfois dépassée, va raconter (en flashback) son passé et finalement être présentée comme une mère aimante.

 

Kill Bill pris comme oeuvre regroupée et complète est à mon sens, et pour toutes les raisons décrites, une des plus importantes entreprises cinématographiques des années 2000. Outre l'intelligence du propos que nous venons d'aborder, inutile d'ajouter qu'elle n'est que la seconde lecture d'une oeuvre magnifique, tant dans l'esthétique que la mise en scène, techniquement très maîtrisée jusque dans l'introduction volontaire de la faute technique. Une mythologie est toujours fabriquée à partir de mythes plus anciens. Rares sont les films qui créent une mythologie : en voilà un !

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22 septembre 2010 3 22 /09 /septembre /2010 21:34

 

 

Technique ♦♦

Esthétique

Emotion ♦♦

Intellect  ♦♦

 

 

Je ne sais pas si je vous ai déjà parlé d'Alexandre et de sa compagne Julia, mais ils sont tout bonnement exceptionnels. Il y a de cela quelque temps, après nous avoir consciencieusement gavés de lasagnes succulentes, fait boire un petit blanc pas dégueu et amusés de leur cathartique humour, ils nous ont proposé de "se regarder un petit film", sur le pouce pourrait-on dire, comme on le fait en fin de soirée. La dernière fois, c'est moi qui avais choisi et on avait maté Dawn of the dead de Romero. Là, je laissai Alexandre, toujours friand de me faire découvrir de nouvelles choses, arrêter son choix sur l'oeuvre qu'il jugeait la plus digne, et l'enfoiré me sort rien moins qu'un chef d'oeuvre. Moi qui voulais simplement une petite récréation sympathique, genre un truc avec les Robins des bois ou un Bergman en noir et blanc, paf, je me retrouve avec la marque d'une claque sur la joue. Et ça m'a fait mal.

 

Dès le générique, je perçois qu'il y a anguille sous roche : certains noms me plaisent bien. Danny Boyle, je le soupçonne d'avoir du talent car il a fait quelques trucs assez recommandables, le dernier en date était son sympathique Slumdog Millionaire. Et mieux, Cillian Murphy a le rôle principal, et voilà un acteur que j'adore avec sa gueule bizarre. Justement, sa tronche va servir vous allez comprendre pourquoi : au début, on a une scène assez violente et sombre lors de laquelle on pige que des expériences pratiquées sur des chimpanzés les ont rendu particulièrement agressifs, et le comble c'est que l'un d'eux s'échappe, propageant la maladie qui le ronge — mais nous ne verrons rien de cette propagation. En effet, on a une transition (entrecoupée d'un carton annonçant qu'on est "28 jours plus tard") entre le corps d'un singe et celui, endormi, de Cillian Murphy dans un lit d'hôpital, et l'on fait un parallèle immédiat entre la physionomie animale et celle, humaine, qui lui est si proche. C'est là que la gueule de l'acteur, avec ses atours simiesques, prend toute son importance : elle rappelle constamment que la source de la violence est une expérience animale qui a dégénéré, et c'est aussi ainsi que l'on pourrait qualifier... l'évolution ! Le discours et le pitch ne sont pas neufs, très proches notamment de L'armée des 12 singes de Terry Gilliam, chef d'oeuvre, (d'ailleurs explicitement cité par Boyle par le main rouge emblématique appliquée sur une affichette et filmée frontalement) mais la mise en scène déboîte.

 

 

Ne rêvez pas : en vrai, c'est impossible qu'il y ait si peu de circulation sur le Tower Bridge.

 

 

Cette brillante idée me faisait déjà transpirer sur mon canapé, mais je n'avais pas encore vu la suite. Murphy s'éveille (il était en fait tombé dans le coma suite à un accident de voiture) dans un hôpital vide comme quitté avec empressement de tout son matériel humain, et bien vite, il s'aperçoit que c'est pareil dans tout Londres. Et alors là, la maestria commence : Londres sans habitant, arpenté par Cillian Murphy en pyjama, c'est tout simplement beau. Il faut dire qu'il y a une pertinence, une variété, dans le choix du cadre et de l'échelle, que j'ai rarement vu dans un film de ce genre. Reflets, surcadrages, plans d'ensemble vertigineux, plans serrés avec arrière-plan angoissant, Boyle va utiliser une palette extrêmement riche pendant une grosse demi-heure, jusqu'à ce que le personnage rencontre enfin quelques survivants. Il y a ensuite tout un passage narratif avec un peu d'action, puisque l'on découvre les humains rendus fous par le virus et les quelques chanceux qui ont réussi à leur échapper. Inévitablement, un petit groupe se forme et expliquent à Murphy tout ce qu'il doit savoir, et l'on marche ensuite sur un terrain plus basiquement balisé. La grandiosité de la réalisation retombe un peu, je me surprends à penser que j'aurais aimer voir tout un film avec cet unique personnage principal, le vide autour et une peur solitaire. Mais bon, il y a quand même des sortes de zombies (ils y font surtout penser parce qu'ils contaminent en mordant ou griffant) alors je suis à peu près heureux. D'autant qu'il y a encore une très belle scène : parvenus à l'extérieur de la ville, les gentils dorment à l'extérieur sous des sortes de ruines, et à leur réveil, ils sont salués par des chevaux qui, au loin, gambadent en toute liberté. Se pose alors une question originale du scénario post-apocalyptique : est-ce qu'on n'est pas mieux là, libres et affranchis de toute contrainte sociale, que prisonniers du morose quotidien de notre cage confortable ? La réflexion trouve le juste moment, la juste luminosité et le juste jeu des acteurs pour exister.

 

La deuxième moitié du film se tiendra en une sorte de huis-clos, recluse dans un château investi par des militaires que le groupe de survivants a réussi à rejoindre. Là, ça devient carrément convenu au niveau du scénario : les militaires sont globalement méchants et feignent d'accueillir Murphy et ses potes uniquement pour violer les deux gonzesses, dont une gamine, qui faisaient partie du lot. Déjà vu ça, notamment chez Romero. Là où l'intérêt se maintient, c'est que, acculé, le gentil Murphy va déployer une rage considérable – je dirais même : similaire à celle des zombies – pour protéger et sauver ses deux protégées. Ainsi, après un court "épisode initiatique" en pleine forêt où il va ressourcer sa nature bestiale, il est présenté et filmé comme un monstre mythologique insaisissable, toujours superbement éclairé et très souvent surcadré (derrière des fenêtres par exemple) pour exposer pleinement son caractère distancié et mystique. Les dernières vingt minutes, très tendues, dans une longue scène de nuit balayée d'orages, sont un superbe moment de film d'horreur, dont le héros est la créature. La classe totale. Après le film, nous avons remercié nos hôtes et regagné notre propre appartement, sis non loin, dans lequel j'eus même peur de mon chat tellement j'avais peur.

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13 septembre 2010 1 13 /09 /septembre /2010 10:07

 

Technique ♦♦

Esthétique

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Allez, pour le plaisir, quelques mots sur un classique du cinéma de science-fiction découvert l'autre soir à la télé, et grâce auquel James Cameron devient largement le réalisateur le plus commenté sur ce blog (après Abyss, Avatar et Aliens). Je vous jure que ce n'était pas exprès, Cameron n'étant franchement pas une de mes références. Force est de reconnaître, néanmoins, que le bonhomme a eu une influence importante sur la SF cinématographique depuis une vingtaine d'années. Néanmoins, ce ne fut pas grâce à Terminator, qui est d'assez loin le moins bon film que j'ai vu du monsieur, très inférieur au second volet (qui allait apparaître quelques années plus tard) si mon souvenir est juste. Néanmoins, il y a toujours des choses à dire sur un film, la preuve.

 

En regardant attentivement les coiffures léonines qui couvrent les chefs des autochtones, l'on devine qu'on est aux Etats-Unis dans les années 1980. C'est incontestable. Tranchant avec les crinières ambiantes, un type tout nu et extrêmement baraqué, pour ne pas dire difforme, se matérialise intempestivement dans la rue. Robot anthropomorphe venu du futur, il a pour mission de supprimer la jeune Sarah Connor, laquelle s'apprête à devenir la maman du chef de la Résistance humaine dans une guerre qui opposera l'homme aux machines une trentaine d'années plus tard. L'un des membres de cette Résistance débarque également du futur en même temps, pour protéger ladite fragile Sarah.

 

 

Pour pisser sereinement quand vous êtes bourré : pensez au viseur de cuvette !

 

 

Voilà un honnête scénario de SF qui va en fait donner prétexte à pas mal d'action, une romance intemporelle et quelques répliques-culte. Le fond est très cameronien, sur le mode "ouhlala la violence c'est moche", quand bien même elle est placée quasiment au centre du propos, avec une lourde insistance sur l'amoralité totale du cyborg Schwarzennegger, dont l'apparence parfaitement humaine brouille les pistes. On s'attend à voir surgir, comme souvent, une rédemption du robot, mais il n'en sera rien : Terminator porte bien son nom, et il va rester d'une constante rigidité dans son obsession pour sa mission, tandis que ses opposants se contentent de fuir. Ainsi, tiré par cette mécanique jamais altérée, le film n'est tout simplement pas très intéressant, jamais beau au niveau de l'image ni de la mise en scène. Quant aux subtilités de l'histoire, elles sont maladroitement exposées dans une scène didactique hyper chiante par le personnage du protecteur, dans le plus mauvais endroit pour faire ressortir un tant soit peu de tension dramatique : une bagnole.

 

Restent quelques motifs efficaces, comme la défiguration de l'androïde (quand même, au bout d'un moment) qui révèle un oeil technologique rouge et froid. Mais c'est à peu près tout. Peu aidés par un scénario sans aspérités, les acteurs sont dans l'ensemble assez mauvais, c'est même un choc de constater à quel point l'actrice qui joue Sarah Connor sera transfigurée dans un deuxième épisode nettement plus réussi où elle revêtira le rôle de héros et de femme forte, tandis que le Terminator joué par Schwarzennegger va devenir un million de fois plus intéressant en protecteur mécanique et substitut paternel. Prenons donc ce premier Terminator comme une ébauche qui aboutira à un bon deuxième film, sans tomber non plus dans l'excès inverse : la série (quatre épisodes à ce jour dont je n'ai vu que les trois premiers) n'est quant même pas passionnante, et ne constitue en rien un quelconque parangon du film de SF. Hasta la vista, baby !

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6 août 2010 5 06 /08 /août /2010 21:40

 

 

Technique ♦♦

Esthétique

Emotion

Intellect 

 

 

Le monde continue curieusement de tourner. Au boulot, mes collègues frisent la normalité. Mon chat me fait toujours autant chier entre 21h30 et 22h. Et pourtant... pourtant, l'autre soir, j'ai connu la révolution. Suis-je seul à tournoyer sur moi-même ? Suis-je en marge ? Le monde continue curieusement de tourner. L'autre, soir, j'ai pourtant vu Avatar.

Un passionné de cinéma de science-fiction qui n'aurait pas vu la saga Star Wars dans les années 1980 et qui serait incapable de vous en dire quoi que ce soit, ça ne ferait pas très sérieux. Un dingue de fantasy et de pellicule mouvante qui aurait fait l'impasse sur l'adaptation du Seigneur des Anneaux, on pourrait en rire. Eh bien, à l'orée de la décennie décisive de l'imaginaire (elle le sera, j'en suis persuadé), un chroniqueur attentif au non-mimétisme qui ferait l'impasse sur Avatar perdrait toute sa crédibilité. J'en avais conscience, évidemment, mais je le gardais pour moi. Aussi, quand un beau-frère attentionné me fait gentiment parvenir la chose en DVD, c'est avec toute la concentration requise, le chat sur un genou et un tupperware bourré de crème glacée dans l'autre, que je scanne le document cameronien avec l'impartialité critique qui me caractérise et que, secrètement, vous admirez.

 

C'est l'histoire d'un space marine handicapé qui se déplace en fauteuil roulant. Il atterrit sur une jolie planète et tous ses collègues marines se moquent de lui, quand bien même ils lisent tous du Nabokov en russe. Malgré son handicap, le space marine a été envoyé pour mener à bien la mission au départ dévolue à son frère décédé, lequel devait transférer son esprit dans un corps artificel – un "avatar" – pour entrer en contact avec une race extra-terrestre toute bleue, très grande et tribale. Pour une question de patrimoine génétique, le marine roulant est le seul à pouvoir incarner l'avatar de son frère, et comme ces clones coûtent la peau du cul, il n'était pas question de le jeter simplement à la poubelle et d'en fabriquer un autre. Aidé de quelques scientifiques (dont Sigourney Weaver), il reste néanmoins à la botte des militaires et doit prioritairement trouver le moyen de faire dégager les types tout bleus dont le village arboricole est sis sur un immense gisement d'une pierre hyper bankable

 

Voilà pour le postulat de départ. La suite, c'est une sorte de calque de Danse avec les loups qui allégoriserait la guerre en Irak : les colons (du moins les militaires) sont très méchants parce qu'ils ne pensent qu'aux ressources minière exploitables, et pas une seconde à la peuplade investie d'une culture séculaire et vitale pour eux. Sous couvert de les "étudier", les humains ne cherchent en fait qu'à les faire dégager ou, encore plus drôle, les détruire. Comme il se doit, le space marine handicapé va être d'abord rejeté, puis intégré à la tribu (souvenez-vous toujours de Kevin Costner en regardant Avatar), rencontrer une meuf super bonne mais bleue, découvrir que la nature en fait c'est trop cool, passer dans le camp des rebelles en s'alliant de quelques adjuvants, et botter le cul aux méchants militaires à la fin. Si vous avez lu un peu de science-fiction dans votre vie, vous connaissez l'histoire par coeur.

 

Mais n'oublions pas que, au départ, Avatar doit être une révolution visuelle. Bon, déjà, je ne l'ai pas vu en 3D, mais je sais ce que c'est la 3D, ça fait mal aux yeux, et vous n'ignorez pas tout le mal que j'en pense. Si esthétiquement elle n'apporte strictement rien (navré pour Tim Burton), il faut néanmoins lui reconnaître quelques vertus que je n'avais pas relevées de prime abord : d'abord, pour des raisons techniques, elle provoque un léger allongement de la durée des plans (pour qu'on puisse voir l'effet sur une durée suffisante), une baisse sensible du nombre de gros plans (échelle où la 3D n'est pas exploitable) et une augmentation du nombre de plans d'ensemble (pour profiter à plein de l'effet de profondeur le plus souvent possible). Voilà qui n'est pas pour me déplaire. Ensuite, elle est censée favoriser la modélisation de décors grandioses et titanesque. Dans Avatar, il faut reconnaître que la planète inventée, et avec elle sa faune et sa flore, sont esthétiquement léchés. Néanmoins, tout cela manque globalement d'idées et ressemble beaucoup à la Terre – sous le prétexte, bien sûr, que c'est de "ici et maintenant" que l'on parle, effet parabole. Les animaux par exemple ne seront sempiternellement que des chimères et croisements de bêtes parfaitement connues, souvent des hybrides de mammifères et de reptiles. Les paysages, entièrement en numérique bien sûr, ne proposent rien de vraiment époustouflant, et au niveau de l'inventivité on est à des années-lumières de certains univers de "space opera fantasy" comme Star Wars ou Dune. Avatar est par ailleurs intensément "herbertien", la finesse en moins. On est dans de la SF américaine très sage, calibrée de près. C'est simple, il n'y a pas une scène, pas une situation, pas une péripétie que l'on ne devine à l'avance, ou que l'on ait déjà vue mille fois.

 

La réalisation est malheureusement à l'avenant. Hormis les quelques conséquences de la 3D mentionnées plus haut, on reste dans du très basique, le numérique ne permet toujours pas de générer une belle utilisation de la lumière, et il n'y a rien à signaler au niveau de la mise en scène. Si, allez, une idée sympathique et qui va nous amener plus loin : lors de sa découverte de la forêt, le space marine – sous sa forme d'avatar – tombe sur la charmante jeune fille qu'il encroupera quelque temps plus tard : lorsqu'il la suit à travers les bois, des lumières phosphorescentes s'allument sous leurs pas. Voilà une trouvaille qu'elle est mignonne. C'est une des rares, c'est peut-être ce qui la rend belle. Issue, à n'en pas douter, du jeu vidéo, voilà qui est encore plus intéressant : symbole de l'interactivité monde/personnage, cette lumière est l'élément parfaitement irréaliste de la diégèse qui trouve une justification par son incongruité même. Autrement, c'est poétique. Surtout, elle m'a fait prendre conscience de ce qui me taraudait depuis le début du film : nous sommes dans un jeu vidéo. Non pas que Avatar parle de ou utilise le ludique comme dans Existenz ou Avalon, non mais alors pas du tout (pour tout dire, nous sommes à des milliards de kilomètres de la qualité de ces deux films), simplement il ressemble esthétiquement à une cinématique de jeu vidéo. Moi qui suis en train de jouer à Starcraft 2 en ce moment (une chronique bientôt), je puis vous assurer qu'il y a une concomitance de ton, de couleurs, de formes, d'objets, de luminosité, voire même de scénario, absolument frappante. Et je suis à regret de le dire : je vous affirme que certaines cinématiques de Starcraft 2 sont bien plus réussies sur un plan purement cinématographique que certaines scènes d'Avatar.

 

 

Osez me dire que ça ne ressemble pas à un jeu vidéo.

 

À mon sens, Avatar, qui est loin d'être un navet, fait malheureusement partie de ces films qualifiés de révolutionnaires tout simplement car personne ne connaît rien à la science-fiction en France et dans le monde. Les initiés, eux, savent qu'il existe bien plus fin, beau et intéressant. Ce n'est pas le meilleur film de Cameron, ce n'est même pas son meilleur film de SF (Abyss lui ressemble un peu, mais Terminator 2 et même Aliens me semblent déjà meilleurs), et ce n'est tout simplement pas un film très réussi parce qu'il fonctionne mécaniquement sur un sentier trop bien balisé. Je ne vois aucune révolution là-dedans : tous les éléments de ce film sont extrêmement redondants par rapport à quantité d'autres oeuvres de fiction, et si le profil est plutôt celui d'un classique hollywoodien, il n'en a ni l'élégance ni les fulgurances nécessaires pour provoquer l'érection en référence. Avatar a sans doute coûté très cher, mobilisé des techniciens de pointe et eu le mérite de proposer une SF classique au très grand public, il est néanmoins un petit film, pas raté mais convenu.

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26 juillet 2010 1 26 /07 /juillet /2010 10:36

 

Technique ♦♦♦♦

Esthétique

Emotion ♦♦

Intellect  ♦♦

 

 

 

Pourtant, juré, je m'étais calmé au sujet de Christopher Nolan. Il y a quelques années, je proférais lors de soirées alcoolisées que ce jeune cinéaste deviendrait un des grands réalisateurs américains, voire même qu'il était le nouveau Kubrick. Je me suis lourdement trompé sur ce dernier point, j'y reviendrai, mais il est certain par contre que les mauvaises langues qui ne voient en Nolan qu'un faiseur me laissent béat d'incompréhension. En train de se forger une filmographie impressionnante, il vient de signer avec Inception son film le plus abouti et personnel à la fois. Cela méritait bien une séance de cinéma à neuf euros, tout de même !

 

Di Caprio ne tourne pas seulement avec Scorcese : là, dans un décor de SF purement speculative fiction, c'est à dire un futur immédiat ou même un présent ignoré, il exerce le métier délicat "d'attrape-rêve", une sorte d'espion industriel du subconscient. En clair, secondé par une équipe où chacun a un rôle bien précis à jouer (un peu comme dans Oceans Eleven), il intercepte un "sujet" et l'endort au moyen d'un sédatif, avant de faire de même pour lui et ses acolytes, mais en prenant soin de "relier" les esprits entre eux grâce à une machine singulière qui n'est pas sans rappeler les "pods" du Existenz de Cronenberg. Ainsi, toute l'équipe partage le rêve du sujet, allant même jusqu'à le fabriquer et le structurer, le but étant de sonder son inconscient pour aller y pêcher une information, souvent pour le compte de grosses multinationales. Oui mais voilà, son nouveau job prend une tournure particulière : un Chinois lui demande de réaliser une "inception", c'est à dire de semer – au lieu de voler – une idée dans l'esprit de la personne choisie (en l'occurrence l'héritier d'un empire financier, joué par l'excellent Cilian Murphy). Une tâche d'autant plus ardue que Di Caprio, dans ses missions introspectives, doit lutter contre le souvenir de sa femme, Marion Cotillard, morte quelques années plus tôt. Il accepte néanmoins et prépare la plus complexe intrusion subconsciente qu'on n'ait jamais vue, car sa rétribution sera rien moins que la possibilité de retrouver ses deux enfants, qu'il n'a plus revus depuis qu'on l'a soupçonné du meurtre de sa femme.

 

Le pitch est déjà d'une belle singularité, car si la thématique de la remise en cause du réel par rapport au monde du rêve est un brin éculée (c'est finalement ni plus ni moins que du Philip K. Dick ; d'ailleurs si le Maître vivait encore, Inception deviendrait instantanément son film préféré, c'est une évidence), on n'a jamais vu un tel degré de complexité et de finesse dans le scénario, même chez les "parrains" emblématiques de ce film, immédiatement reconnaissables, que sont par exemple Matrix, Existenz ou Eternal Sunshine of the spotless Mind. Finesse du scénario disais-je, car ce dernier est tout entier construit pour permettre la performance hallucinante de réalisation qui va suivre. C'est assez rare pour être noté : le scénario est au service de la réalisation, et non l'inverse. Pour autant, l'obsession nolanesque est présente, et elle est maintenant, après plusieurs films, clairement identifiable : il s'agit du traumatisme subconscient qui cherche à se concrétiser à la surface, contre lequel on lutte, mais qui finit par faire autant partie de la réalité que la réalité elle-même. On peut reprendre sa filmo à rebrousse-poil, c'est un motif présent dans tous ses films : Insomnia (un flic est soupçonné d'avoir tiré sur son coéquipier et se sent plus merdeux que le tueur en série qu'il pourchasse), Memento (un trauma initial conduit un homme à se venger malgré ses pertes de mémoire perpétuelles), les deux Batman (avec bien sûr le trauma inaugural du meurtre des parents de la chauve-souris), Le Prestige (un magicien dissimule un secret intime qui lui permet de réaliser un numéro spectaculaire). Implacable, le scénario est rodé sur un mode déjà aperçu (notamment dans Batman begins), avec cette façon de perdre complètement le spectateur au départ, puis de lui laisser tranquillement replacer les pièces du puzzle tout en ménageant le mystère, et procurer un certitude de compréhension totale à la fin : quoiqu'un peu mécanique, c'est très bien fait, de façon très précise.

 

 

 

À l'intérieur de son rêve, Di Caprio s'octroie des attributs exagérés. 

 

Il est indéniable également que Nolan affiche un véritable style visuel, une unité plastique constante, surtout depuis le premier Batman. Plus que le successeur de Kubrick – capable de créer une esthétique nouvelle à chaque film – que je voulais voir auparavant, il serait plutôt un anti-Gilliam, aussi froid, implacable et millimétrique que le Monty Python est foutraque, bordélique et coloré. On parlait des pods de Cronenberg (dans Existenz) précédemment : il est très amusant de comparer ces machines organiques, mouvantes, rosâtres, à la semblable (dans son utilité) malette sédative froide et fonctionnelle de Nolan ; c'est tout à fait ça, le style Nolan : de la structure fonctionnelle de grand immeuble, de ces buildings qu'il se plaît d'ailleurs à filmer (et Di Caprio ne dit-il pas à un moment donné : "C'est le genre de maison que j'aime au fond de moi"). Quelque part, c'est là que je m'arrête en chemin personnellement, car Nolan chérit visiblement le genre du thriller psychologique qui n'est que modérément ma tasse de thé. Inception présente pourtant des strates fort bien indentifiées visuellement, par exemple au tout début dans la pagode avec cette utilisation somptueuse de la table pour refléter les lampions environnants. Au début toujours, lorsqu'on navigue rapidement entre différentes villes, les prises de vue sont également très jolies, et par la suite à l'intérieur des rêves, on a des repères atmosphériques réussis qui permettent de différencier les différents "étages" de la mission centrale (nous reviendrons là-dessus). Il me manque un petit quelque chose néanmoins pour affirmer que ses films sont beaux. On est loin, par exemple, de la maestria d'un Sam Mendès (American Beauty, Jarhead), et ce n'est pas tant dû aux options de colorisation que, à mon avis, à une science du cadrage suffisamment aboutie chez Nolan. Comme nous le verrons ensuite, Nolan est un monteur, pas un cadreur. Du coup, tout n'est pas franchement élégant, et je pense surtout aux scènes d'actions et au problème principal de Inception : les dialogues. Les tunnels de champ/contrechamp sont franchement trop fréquents, et déjà que les échanges sont trop longs, aucune gourmandise ne vient dynamiser ces tunnels, par, je ne sais pas, des changements d'axes, de luminosité, l'irruption d'une mise en scène en arrière-plan. Vraiment, c'est le gros défaut de ce film, et il se cristallise autour de Di Caprio, qui n'est pas mauvais, mais qui pour des raisons commerciales compréhensibles focalise l'attention sur lui et "assagit" du coup l'échelle de plans qui va rester souvent, et bêtement, réduite à des gros plans faciaux incessants.

 

Passons outre, car si Inception est un film exceptionnel, c'est au niveau de son montage. On aura compris que l'intérêt du film est de faire altérer scènes réelles et scènes "dans le rêve" de façon à perdre à la fois certains personnages et le spectateur. Eh bien Nolan fait le choix décisif de ne proposer aucun fondu, aucune facilité de transition : tous, absolument tous les plans, se terminent par un cut, et c'est pareil pour les scènes elles-mêmes. La sensation d'échappée est alors totale, car après avoir été surpris une fois, deux fois, on ne sait plus jamais à quel niveau de réalité nous nous trouvons. Du moins, nous ne le savons pas sur l'instant, mais la mise en scène et le montage vont contribuer à nous renseigner a posteriori sur les passages que nous venons de voir. Ainsi, sans cesse sur un fil, le spectateur jongle avec les informations et le rythme millimétrique du film, cette science du découpage à la seconde près, permet de rester sur ce fil et n'être ni trop largué, ni trop renseigné. À ce niveau, c'est du grand art. Et ce n'est pas terminé ! Figurez-vous que lors de la mission principale, pour permettre à l'équipe de descendre le plus "bas" possible dans le subconscient de la victime, les protagonistes doivent simuler un méta-rêve : concrètement, une fois dans le premier rêve, ils vont se munir d'une nouvelle mallette de sédatifs pour s'endormir à nouveau et faire "un rêve dans le rêve", et l'on va même assister à un troisième puis un quatrième niveau toujours plus profonds.

 

La chose la plus surprenante, et c'est vraiment l'idée qui fait de ce film une merveille, c'est que l'action continue de se dérouler – à une échelle temporelle différente néanmoins – à chaque "étage" de rêve parallèlement et simultanément. Ainsi, pendant le dernier quart du film, on atteint un montage alterné de quatre ensembles diégétiques distincts ! Quand on pense que certains ne sont pas foutus d'élaborer avec précision un montage alterné simple, alors songez un peu le degré de calcul nécessaire à un tel découpage, uniquement en cut et sans aucune fausse note. La musique aide beaucoup et structure l'ensemble – même depuis le début du film – et le montage sonore, également très fin, soutient cet exercice de style hallucinant. Jusqu'au dernier plan, un peu attendu mais très beau, pas la moindre faute de goût. Bon, si l'on excepte du moins, comme on l'a vu, ces dialogues trop longs, et idem pour quelques scènes de fusillades qui concèdent au public un peu d'action – on aurait pu trouver autre chose pour mettre les personnages en situation de danger, à mon sens, mais bon... Même les effets spéciaux, qui me laissent, vous le savez, très froid, se révèlent impressionnants à un moment donné dans un passage tout en pesanteur qui en devient magnifique en plus de faire sens. Gardons-nous donc, bordel, de mépriser ce cinéaste qui produit lui-même ses films, jouit donc d'une grande liberté, et semble se spécialiser dans la SF, ce qui fait de lui un cas pratiquement unique au monde (si l'on excepte Michael Bay et Rolland Emerich...). Nolan, reviens vite.

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22 juillet 2010 4 22 /07 /juillet /2010 15:17

 

Technique ♦♦

Esthétique

Emotion

Intellect  ♦♦

 

 

Il y a quelques années, je revoyais le Jurassic Park de Steven Spielberg (encore un film que j'ai énormément regardé étant jeune) et me faisais la réflexion que l'aspect primordial de ce film réside dans le fait que le merchandising "réel" qui a entouré sa sortie était déjà inclus dans le film lui-même, ouvrant la voie à la nouvelle génération des blockbusters (déjà lancés par Spielberg auparavant et dont la première pelletée a sans doute correspondu aux Dents de la mer). En substance, le discours de Jurassic Park était clair et dual : prolonger le spectacle par un commerce supérieur en importance (celui des produits dérivés en l'occurrence), c'est dénaturer ou altérer ce spectacle, déplacer l'intérêt du spectateur vers autre chose que l'oeuvre en elle-même (par extension, vers ses effets spéciaux par exemple). Toy Story 2, que j'ai téléchargé dans la plus parfaite illégalité pour me préparer à une visite dominicale au cinoch du coin qui diffusera le troisième volet, raconte finalement la même chose, de façon encore plus frontale.

 

Il est très habituel pour les studios Pixar de ménager dans chacun de leurs films un niveau de lecture inattendu qui renvoie à leur histoire, leur actualité et leur situation. Ratatouille par exemple (leur chef d'oeuvre à mon sens) travestissait de manière limpide leur rachat par Disney et le jeu de lutte et d'influence politique que cela a impliqué ; Wall-e, dans son générique final, annonçait le dessin animé moderne (numérique) comme la forme d'art le plus aboutie. Eh bien on retrouve une lecture similaire dans Toy Story 2, qui était pourtant à peine leur troisième long-métrage (le second ayant été 1001 pattes, qui est explicitement cité dans cet épisode !). Toy Story 2 est le récit de la folie qui s'empare du monde à l'égard du film d'animation numérique. La bonne idée du premier volet résidait déjà dans le choix des jouets – des objets de divertissement inanimés – pour devenir les héros du premier long-métrage d'animation entièrement numérique – autrement dit un procédé qui peut animer "l'inanimable" au seul moyen de la technologie. Cette suite est, dans son propos, entièrement logique : la question suivante était de savoir quelle pouvait être la réaction des héros lorsqu'ils sont confrontés à leurs alter-ego infiniment reproductibles. Ainsi, l'intrigue principale de Toy Story 2 consiste à amener Woody, Buzz et leurs acolytes, dans un gigantesque magasin de jouets qui contient leurs avatars industriels (le mur tapissé de Buzz l'éclair, autant d'individualités pourtant semblables) ou au contraire leur univers référentiel (ainsi Woody prend conscience qu'il est le personnage principal d'un "univers western" décliné en une foule de produits de collection).

 

 

Il faut bien deux paires d'yeux solides pour découvrir l'arrière-train de Monsieur Patate.

 

 

Toy Story 2 relate ainsi une véritable crise artistique des studios Pixar : leur talent, leur art narratif subtil et précis, ne sont-ils voués qu'à la reproduction stérile et industrielle, leurs personnages ne sont-ils que capitalisation de l'espace publicitaire ? Oui, et ils en sont à la fois conscients, enthousiastes, inquiets et impuissants. Ils ont la nostalgie de ces divertissements populaires qui étaient adorés du public et pouvaient faire l'objet d'un véritable culte (c'est le cas de ces produits vieillots et classieux qui constituent l'univers western de Woody) mais estiment également que les moyens énormes dont ils disposent peuvent également leur permettre d'affiner leurs oeuvres et de faire les dessins animés les plus réussis qui soient (c'est le personnage de Buzz qui vient au secours de Woody). À la fin, les univers "moderne" et "classique" sont réunis et destinés à se mélanger (Buzz et la petite cow-girl s'échangent des répliques éloquentes à la toute fin) pour produire la meilleure soupe : à la fois dynamique et raffinée. C'est la même histoire pour la cuisine de Ratatouille. Pixar se veut être la réconciliation du classique et du moderne dans l'art, une synthèse éblouissante des tendances et des publics.

 

Hélas, en ce qui concerne ce deuxième volet de Toy Story, il aurait fallu veiller à la tenue cinématographique de l'oeuvre. Or, très courte, mal rythmée et surtout très mal montée, bourrée de références à Star Wars (mais aussi, d'ailleurs, à ... Jurassic Park) mais oubliant les surprises et innovations de mise en scène du premier opus, elle n'accouche que d'un petit film dont le résultat n'est pas à la hauteur du projet. En attendant, dix ans plus tard, une apothéose ? Nous verrons cela dans quelques temps.

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