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  • : Le Massacre
  • : " On a qu'à appeler ça Le Massacre alors. " Mickaël Zielinski, Nicolas Lozzi, mai 2009.
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23 novembre 2009 1 23 /11 /novembre /2009 17:47

Technique

Esthétique

Emotion

Intellect 

Que de retard dans le compte-rendu des films vus la semaine dernière ! J'ai dû me forcer à ne plus en voir depuis, pour ne pas allonger la liste des chroniques, c'est dire ! Ca commence par le dernier jouet de Roland Emmerich. Pour faire honneur à tous les nez-de-boeufs, les ringards, les folkeux, les journaleux, nous nous embarquâmes il y a quelques temps dans un gros cinéma qui tâche dans une zone commerciale bien connue pour y voir 2012, qui est une date en plus d'être un film. 2012, dans le calendrier maya, c'est la date de la fin des temps (cette source est d'ailleurs citée dans le film). 2012, c'est aussi, pour les écrivains de science-fiction, la date de la Singularité : concept inventé par Vernor Vinge, la Singularité est un point temporel de convergence lors duquel la technologie est censée dépasser à ce point l'entendement humain, même celui de ses concepteurs, qu'elle deviendra auto-suffisante et supplantera l'humanité. Bref, 2012 est une date-clé de la prospection, de la métaphysique et de l'anticipation et n'a pas été choisie pour rien. Emmerich l'a élue, entre toutes, pour servir de cadre à son nouveau jeu de massacre.

 

Roland Emmerich, c'est le monsieur allemand qui a déjà fait péter le monde plein de fois : d'abord avec ses playmobils quand il était petit, puis dans Independance Day, colossal succès pour un film très efficace et assez jouissif, bien que moralement indéfendable. Ce qui allait aussi constituer la marque de fabrique de ses productions suivantes : Godzilla, Le Jour d'après, dans une moindre mesure 10 000, The Patriot, etc. Le schéma de 2012 reprend à l'exacte celui de ses succès antérieurs, si bien que l'on peut aujourd'hui parler d'un véritable "Emmerich style" : pendant un tiers du film, une découverte scientifique sans précédent (des soucoupes volantes, un gros monstre vert) met le monde entier en alerte, du moins dans les coulisses : les spécialistes tentent de mettre en garde les politiques (c'est-à-dire le président des États-Unis) contre le danger, mais il est déjà trop tard, et l'on comprend que la catastrophe est inéluctable. Dans le deuxième tiers, on suit le cheminement intime de quelques groupes de personnages qui seront amenés à se croiser lorsque la merde commencera. Dans le dernier tiers, on casse tout, le monde pète dans tout les sens, quelques-uns des personnages précités s'en sortent, mais pas tous, ils se croisent, et se comprennent mieux dans l'adversité ; à la fin, le monde s'en sort, non sans quelques dégâts matériels.




Sachant que les gentils sont dans l'avion, pensez-vous que : a) L'avion va passer entre les immeubles ; b) L'avion va passer sous les immeubles ; c) Ils vont survivre.
 

 

C'est ce qui se passait dans Independance Day (à ce jour toujours le meilleur film de Emmerich), c'est encore ce qui se passe dans 2012. Cette fois-ci, des éruptions solaires projettent des particules sur Terre, et comme je n'ai pas tout compris des incidences scientifiques de la chose, disons que cela provoque une liquéfaction du noyau terrestre puis des couches supérieures, ce qui fait que les plaques continentales se mettent à flotter et se heurter, dans une sorte de Pangée très accélérée. Conséquences : des séismes, des volcans, des raz-de-marée, des tornades, bref tout l'appareilllage du film-catastrophe dans un seul métrage. Très clairement, la volonté de Emmerich dans 2012, c'est de proposer le film-catastrophe ultime. Le film-catastrophe, c'est une fiction dans laquelle le ressort principal repose sur l'ingéniosité humaine à lutter contre les lois physiques qui nous gouvernent et, potentiellement, nous détruisent (cela peut se passer dans une tour, dans un tunnel ou sur un bateau pour rendre la chose plus rigolote). Le moins qu'on puisse dire, c'est que Roland Emmerich n'a pas peur de mettre les pieds dans le plat : il semble avoir atteint une capacité consommée à dérouler le fil narratif de ce type d'histoires. D'abord, il installe une intrigue scientifique cristallisée autour de Chiwetel Ejiofor qui joue le scientifique en chef, n'hésite pas à laisser planer le doute quant à la menace, et surtout à ancrer solidement la diégèse dans le réel : en effet, tout commence en 2009, date de la découverte du danger, et l'on assiste à une succession de petites scènes qui laissent filtrer juste ce qu'il faut d'informations au sujet du secret d'état qui entoure l'état d'urgence. Le montage de ces bribes est vraiment très bien fait, et en filigrane, on comprend bien quel est le propos : le sauvetage de l'humanité ne se fera qu'au bénéfice du ghotta mondial, des milliardaires et des hommes de pouvoir. À ce titre, Emmerich n'hésite pas à mettre en scène des dirigeants de pays tout juste fictifs, à les présenter comme des êtres humains très ordinaires, lâches et coupables, parfois même à les tourner en ridicule (il faut voir comment est présentée la papauté lors d'une belle scène où il arrive des trucs pas sympas à Saint-Pierre de Rome).




Vous aviez deviné : c'était la réponse b) !

 

Par la suite, on découvre une famille décomposée, avec John Cusack à sa tête (très bonne idée de casting : un anti-héros total) en tant que mari divorcé, accompagné de sa fille, son fils, son ex-femme et, audace surprise, du nouveau petit ami de cette dernière (un gros beauf'). Pour une fois, contrairement au premier Spielberg venu (cf. La Guerre des Mondes), ce n'est pas la recomposition de la famille qui compte mais sa préservation, y compris celle de la pièce rapportée. Ce sont les pérégrinations de cette petite famille qui confronteront le spectateur à la catastrophe proprement dite, et c'est grâce à elle que le noyau du film, qui consiste à voir un petit groupe de personnes se sortir de justesse de situations périlleuses, peut exister. Très vite, l'annonce des trucs qui se cassent commence par un gimmick : des fissures zigzaguent sur l'asphalte, annonce visuellement assez maline que la société humaine telle que nous la connaissons va se craqueler, se fissurer puis imploser. Très vite d'ailleurs, c'est ce qui se passe : la ville des gentils se retourne dans tous les sens, le sol se soulève, les immeubles s'effondrent, c'est un vrai bordel. Et nos personnages dans tout ça ? Eh bien, ils survivent ma foi, mais comment, ça c'est le meilleur et le plus drôle. Figurez-vous que John Cusack, non seulement il est... écrivain de SF (c'est d'ailleurs pour ça qu'il a divorcé d'avec sa femme, ce qui m'inquiète un peu pour mon avenir) mais aussi il est chauffeur de limousine (un clin d'oeil à Dumb & Dumber ?). Donc, il conduit très bien, ce qui arrange bien nos amis scénaristes et réalisateurs des effets spéciaux : tous les véhicules pilotés par l'un ou l'autre membre de la famille vont afficher une maîtrise totale des événements, échappant comme par miracle aux failles, aux rochers, aux explosions, à la lave et aux affaissements de terrain, on a jamais vu une aussi belle accumulation de coïncidences de trajectoires au mètre carré. C'en est si gros que c'est parfaitement invraisemblable. Notamment, la première vraie "scène-catastrophe" qui voit Cusack conduire une bagnole pour s'échapper de la ville de départ, nous a fait hurler de rire (en compagnie des délicieux Maxime et Aurélie que je salue) tant les "excuses" étaient énormes. Et je pense que c'était totalement volontaire de la part de Emmerich : il a voulu faire de l'humour, il a voulu pousser au maximum les réglettes du genre jusqu'aux limites (parfois au-delà) du vraisemblable, et cela continuera pendant tout le film par tous les moyens imaginables (planeur, gros avion russe, vaisseaux qui se crashent contre l'Everest, je vous jure !). En plus, l'intrigue elle-même est totalement improbable, notamment dans les points de rencontre scénaristiques : figurez-vous que Cusack se retrouve dans le parc de Yellowstone en même temps que Eijofor et que ce dernier, le scientifique number one des States tout de même, a justement lu le bouquin de ce dernier, qui de son propre aveu a été tiré à seulement 400 exemplaires (néanmoins, il apparaît plus tard que le monsieur est un gros lecteur de SF, ce que je ne peux m'empêcher de trouver très sympathique). De même, plus tard, la famille se retrouve embarquée sur un grozavion en compagnie d'un Russe milliardaire en direction de la Chine hymalaienne (si si). Obligés de se poser faute de carburant, ils s'écrasent au beau milieu d'un glacier millénaire, entre deux pics de 7000 mètres, et n'ont pas l'air de souffrir du froid outre mesure. Encore mieux : c'est précisément à cet endroit que choisissent de passer les jeeps du gouvernement chinois pour rejoindre le lieu top-secret de la sauvegarde de l'humanité (passage très proche de celui d'Independance Day lors duquel toutes les caravanes du Nevada se retrouvent par hasard en pleine Zone 51) ! Bref, on ne s'embarrasse d'aucune cohérence particulière, et j'ai envie de dire : tant mieux, puisque la réalisation est spectaculaire, n'hésitant pas à ouvrir des plans d'ensemble sur des paysages dévastés, les effets spéciaux assez réussis, et tant pis si les échappatoires sont souvent ridicules et risibles : c'est drôle !

 

Là où ce sera moins drôle, ce sera dans la dernière partie du film où Emmerich est rejoint par ses vieux démons de la morale et de l'américanisme le plus planant. Comme aux meilleures heures de Independance Day, 2012 se transforme en fable pour la tolérance (l'un des héros est noir, ainsi que le président américain) et l'entraide entre les peuples, alors même que les USA sont sempiternellement présentés comme les sauveurs du monde, et la religion chrétienne comme mode de rédemption (sous bien des aspects, la diégèse est présentée comme une relecture du Déluge et de l'Arche de Noé). Comprenons-nous : le propos est bien moins suintant que dans un Armaggedon ou le premier Michael Bay venu, et beaucoup plus nuancé. D'abord, le déplacement de 'l"ancre de sauvetage" (je crypte) vers la Chine lointaine, là où on attendait basiquement les States, puis à la fin vers une Afrique préservée de tout désastre, atteste d'une capacité d'adaptation d'Emmerich vers des alternatives géopolitiques, et d'une finesse inattendue (c'était déjà, il n'y a pas longtemps, la surprise d'un autre film de SF, District 9). Non, le plus pénible, ce sont plutôt les démonstrations de bravoure et autres atermoiements lacrymaux de la dernière demi-heure, alors que jusqu'ici le film baignait dans un ton joyeux qui contrastait avec la sordidité des événements. J'en sortis néanmoins content après 2h40 (tout de même) de spectacle assené et le sentiment que ce film, bien qu'en grand partie dévoué à la cause du cassage régressif, tentait d'exprimer – très maladroitement – plus de choses qu'il n'y paraissait, et que le propos de ce cinéaste s'affinait quelque peu avec le temps.


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Revu par la suite ce film à l'humour morbide, ou plutôt à la morbidité humoristique, qui permit à Tim Burton d'accéder au succès public et d'embrayer sur des oeuvres plus personnelles, comme Edward aux mains d'argent. Je dis plus personnelles, oui, car à mon sens, il y a deux films dans Beetlejuice : l'un est vraiment burtonien et très réussi, l'autre non. Ce qui est burtonien, c'est l'histoire de ce petit couple très sympa, rigolo et un peu démodé formé par Alec Baldwin (que l'on revit dans The Rocky Horror Picture Show et qui est devenu depuis un vrai acteur à la con) et Geena Davis. Ils habitent dans une maison bizarre en haut d'une colline dans un petit village paumé qu'ils reproduisent en maquette dans le grenier, s'amusent bien dans la vie, demandent avant tout qu'on leur foute la paix. Un beau jour, et par grande malchance, ils meurent. Devenus fantômes, ils s'aperçoivent qu'ils ne peuvent quitter leur maison sans basculer dans un univers désertique directement importé du Dune de David Lynch. Voilà qu'une insupportable famille composée d'un homme d'affaire à la con, de sa femme new-age et de leur fille gothique, s'installe dans leur maison, et qu'ils vont devoir apprendre à les hanter pour les chasser ! Tout cela est très drôle, assez basiquement tourné mais haut en couleur grâce à des effets spéciaux "maison" faits de maquillage et de maquettes en stop-motion, à la fois vieillots et esthétiquement assez réussis (bien que cette méthode suppose des cadres très figés et un peu engoncés). Les scènes qui se situent dans la "bureaucratie" du royaume des morts sont notamment très réussies grâce aux figurants étranges et personnages d'arrière-plan qui la peuplent. Également, la scène de possession lors de laquelle tous les convives se mettent à chanter et danser du calypso de façon incontrôlable est tout simplement la plus drôle de tout le cinéma de Tim Burton, passé présent et futur, et elle fonctionne justement parce qu'elle est intelligemment cadrée, mais surtout parce que Burton a eu l'intelligence de laisser entendre les bruitages et effets sonores d'ambiance, ce qui renforce le ridicule de la situation.

L'une des faiblesses de Burton transparaît déjà dans ce film : le montage est chaotique, rempli d'inserts inutiles, de coupes au mauvais moment et de faux raccords, du moins la plupart du temps, et l'on a la sensation que les scènes se suivent laborieusement, sans fluidité ni style. Mais le pire, à mon sens, reste à venir avec le personnage-titre, la partie selon moi "non-burtonienne" du film : ce Betelgeuse (car c'est son vrai nom) joué par Michael Keaton me sort par les yeux. Il n'a rien du personnage récurrent des films de Burton qui est théoriquement un monstre refoulé et inadapté (Edward, Willy Wonka, Ishabod Crane, etc.) alors que celui-ci est pérorant et burlesque, survitaminé et éloquent, tente vainement d'être drôle à force de gags scatos et de gigotements. Avec cet élément inopportun, Burton remplit un film qui commençait à devenir un peu creux et ne trouvait plus d'idées pour densifier son histoire. Néanmoins, on ne s'ennuyait pas, grâce notamment au couple d'affreux composé de Jeffrey Jones (qui sera plus tard un très bon papa Weasley dans Harry Potter) et surtout la délicieusement vénéneuse Catherine O'Hara. À la fois mineur et par moments très cathartique, Beetlejuice a néanmoins le grand mérite de lancer (ou pérenniser) plusieurs thèmes burtonniens : l'utilisation du morbide comme élément de décalage humoristique, la moquerie de la bourgeoisie pavillonnaire américaine et son incapacité à respecter le merveilleux, le fictif et l'indicible.


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Ce qui nous amène directement à cette dernière étape avec L'Effet papillon (réalisé par les scénaristes des deux premiers Destination finale), vu en DVD pour la première fois depuis sa sortie en salles, et qui semble tout simplement être un des meilleurs films de SF de la décennie. Certes, le titre opère une confusion assez courante qui met dans un même sac l'uchronie – terme sans doute trop complexe pour le peuple inculte – et la Théorie du Chaos (dont "l'effet papillon" est l'une des célèbres illustrations), qui n'a rien à voir : cela dit, en gros et si mes souvenirs sont bons, que tout système comporte nécessairement une part chaotique aux causes aléatoires, ce qui est plus compliqué que le "petites causes, grands effets" qui a été retenu ici. Sachons donc que L'Effet papillon est un film qui repose sur l'uchronie, voilà tout et voilà pourquoi :

Une bande de gamins qui grandissent ensemble dans une banlieue pavillonnaire des USA. Trois garçons, une fille, dont un frère et une soeur. Au début ils sont petits, puis ils sont pré-ados, et leur enfance est émaillée de sordides épisodes : le papa de l'une veut tourner des films pédophiles dans sa cave, l'autre semble manifester de violents troubles du comportement, encore un autre blesse (ou tue ?) par mégarde une jeune femme et son bébé à cause d'une blague avec un pétard, bref c'est une collection de traumatismes qui guette notre petite bande d'acolytes. Mais le pire, c'est que l'un d'entre eux, Evan, semble avoir des absences, des moments de flou qu'il est incapable de se remémorer par la suite, et ces décrochages surviennent justement lors de tous les événements les plus pénibles et traumatisants qui soient. Sa mère s'inquiète de ces absences et sur conseil du docteur, l'encourage à tenir un journal, qu'il se met à écrire frénétiquement. Il faut aussi savoir que le père de Evan est absent car interné dans un asile, et l'on comprend que sa mère craint que le jeune garçon ne devienne aussi fou que son père, les symptômes avant-coureurs étant relativement proches (pertes de mémoire, comportements inexplicables dus aux absences, etc.). La situation est d'autant plus difficile pour Evan que tous les traumatismes vécus par le reste de la bande sont pour lui inaccessibles et incompréhensibles – les autres, évidemment, refusent d'abord le sujet – et ainsi vécus comme des "actes manqués", fussent-ils atroces. Voilà qu'un beau jour, au comble des péripéties sordides, Evan et sa mère déménagent pour fuir le quartier.

Plusieurs années plus tard, Evan est devenu Ashton Kutcher qui fait des études scientifiques et prépare un mémoire, apparemment brillant, consacré à... la mémoire. Sujet qui le passionne, évidemment, vu son état. Mais ça va beaucoup mieux : depuis son adolescence, il n'a plus de trous de mémoire, mais il continue à couvrir des cahiers pour écrire son journal. Justement ! Un jour, par mégarde, en lisant de vieux passages de son journal, il se rend compte qu'il a la faculté de revivre en direct des épisodes de son enfance, y compris ces événements difficiles desquels il n'avait aucun souvenir ! Mieux : bien vite, il s'aperçoit qu'il peut agir pendant ces "incarnations" et ainsi modifier la trame des péripéties, à un tel point que cela modifie durablement la suite de son existence et que, revenu "à la normale", il échoue dans un présent alternatif qui a considérablement modifié sa condition, son environnement et sa personnalité. En d'autres termes, il vient de se découvrir un pouvoir uchronique ! C'est peut-être l'occasion (la tentation) de réécrire sa propre vie...


Un film original, mais dans lequel les Américains, comme d'habitude, font l'amour avec des épaisseurs de draps entre eux.



Un scénario très malin donc, qui se sert de l'uchronie dans des perspectives intimes. On avait déjà vu ça par exemple dans Lola rennt, un film allemand assez techno, mais qui se servait du procédé de façon extra-diégétique, en proposant en quelque sorte trois courts-métrages, et aussi depuis dans La Traversée du temps, un sympathique anime japonais. Mais l'Effet papillon est d'un autre calibre : d'abord, le rythme et le déroulé narratif sont réellement prenants. Le montage fait intelligemment alterner les passages intimes, fantastiques et nerveux, façon thriller, tout en allant crescendo dans le vertige provoqué par l'élément SF. Mieux : lorsque le scénario laisse entendre que Kutcher reproduit le schéma de son père fou, puis à la fin qu'il se pare d'une dimension morale et métaphysique, il provoque des ouvertures toujours plus profondes et, successivement, l'on prend conscience des divers niveaux de lecture du propos. Ainsi, d'un film astucieux grâce à son "truc SF", on prend conscience ensuite des valeurs psychanalytique et philosophique mêlées : pour éviter d'échouer comme son père à modifier sa vie, Kutcher va devoir opérer un "sacrifice" très religieux (à un moment donné, le personnage est d'ailleurs présenté comme un élu souffrant de stigmates) pour revenir à une "norme" médiane, un compromis qui enterre la richesse d'une existence chaotique et provoque une vie de platitude et de confort. Vu le panel proposé dans le film, c'est une véritable déclinaison des possibles qui est laissée à l'appréciation du spectateur.

Enfin, le film est esthétiquement très joli et très malin : alors que les passages de l'enfance sont les plus sordides, ils sont largement surexposés, colorés au pastel néanmoins, et joliment épousés par une caméra délicate, très attachée aux personnages (il faut dire que les jeunes acteurs sont excellents). Paradoxalement, le passage dans le "présent" (avec Ashton Kutcher) est mélancolique, joliment assombri et avec des scènes elliptiques, exprimant ainsi le fait que l'on est pas dans le "meilleur présent possible", un temps incomplet qui a laissé des zones d'ombre dans la psyché des personnages. Par la suite, lors des différents "possibles" visités, la réalisation tend à s'adapter au contexte : lorsque Kutcher se retrouve propulsé boyz de la fac, au bras de sa promise, embarqué dans un fraternité ésotérique bizuteuse, les couleurs pètent dans tous les sens, le cadre s'aplanit, le montage se fait doux comme dans le dernier des teen-movies, avant qu'un passage en prison survienne et afadisse les couleurs tout en durcissant les prises de vue qui provoquent le malaise du personnage. Avec la répétition des situations, une fois qu'on a compris le système, il y a un tout petit moment de fadeur, de mécanique trop huilée, avant que l'enjeu final vienne se greffer à l'intrigue et assombrisse encore l'ensemble. Charlotte me dit que ça ne lui a pas plu car c'est trop niais mais moi je dis que bon.

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commentaires

C
<br /> et bien moi j'aime bcp c'est film sauf 2012 que je n'ai pas encore vu (pfff quel nul) bref d'ici peu je le verrai et je reviendrai vous hanter.<br /> <br /> <br />
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N
<br /> tu n'avais encore jamais vu l'effet papillon ?<br /> et bien moi j'avais beaucoup aimé même si je pense qu'il vaut mieux le voir 2 fois pour tout piger.<br /> Et je ne l'ai pas trouvé niais, je ne vois pas en quoi il l'est...(à part la fin quand il se croise à manhattan ?)<br /> <br /> <br />
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N
<br /> Incontestablement, la daube ça gagne à mariner un peu.<br /> <br /> <br />
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F
<br /> Je parlais de 2012 bien sur.<br /> <br /> <br />
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F
<br /> en résumé ce film est une grosse daube mais comme toute daube qui se respect elle fait du bien par ou elle passe.<br /> <br /> <br />
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