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  • : Le Massacre
  • : " On a qu'à appeler ça Le Massacre alors. " Mickaël Zielinski, Nicolas Lozzi, mai 2009.
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9 novembre 2009 1 09 /11 /novembre /2009 19:30

 

Technique

Esthétique

Emotion ♦♦

Intellect  ♦♦

L'extraordinaire Alexandre, l'autre soir, me promit monts et merveilles, des monts encore plus merveilleux que les jeux vidéo sur console dont il venait de me faire la démonstration (en l'occurrence Assassin Creed et GTA IV, qui semblent en effet intéressants). Ce mont d'or, ce fut Borat, qui méritera sans peine le qualificatif de "film délirant", "OVNI", "À couper le souffle" (© Télérama/Studio/Ciné Live, rayez la mention inutile). Jugez plutôt.

 

Borat est Khazak, c'est à dire qu'il habite au Khazakstan, payscule méconnu d'Europe de l'Est, nation délicieusement ex-soviétique aux bidonvilles tout droit surgis d'un film de Kusturica. S'il y avait un fleuve, ce serait le Danube. Ledit Borat, à nos yeux excessivement gourds d'occidentaux gavés de foie de volaille, est complètement taré : il arbore en toute circonstance un air ahuri surligné par deux sourcils frontaux, un khouglov chevelu semblable à une frisée et, enfin, une splendide moustache d'aristocrate qui ferait pâlir Magnum et les Dupondt réunis. Il roule de gros patins à sa soeur, s'extasie devant une parade anti-hébraïque organisée par son village (grand moment !), n'aime rien tant que baiser et s'enflammer, confond tout et ne comprend rien à rien, surtout lorsqu'il s'agit du fantasme de son existence : les États-Unis d'Amérique. Pour autant, d'un point de vue khazak, Borat est un modèle de réussite sociale, surtout si on le compare à tous les parasites péri-urbains qui semblent peupler son quotidien : présentateur télé, le brave homme est chargé d'une mission diplomatique de la plus haute importance : flanqué d'un producteur un brin graisseux et d'un cameraman (nous y reviendrons), il devra sillonner les USA pour y apprendre tout le nécessaire pour faire surgir enfin son pays du néant et lui transmettre les bonnes moeurs globalisées. Une sorte de mission de télévangéliste à distance.




L'habillement réduit à sa plus simple expression. C'est sobre, c'est Borat. 
 

 

Le film ne laisse pas une seconde de répit : le flot vocal de Borat va tout structurer, de la première à la dernière seconde. Face caméra, Borat (Sacha Baron Cohen, un vrai malade mental) expose le but du métrage et ses enjeux, tout en nous faisant découvrir sa riante contrée (évidemment présentée comme un bordel de joyeux dégénérés). Face caméra, oui : Borat est présenté comme un documentaire (présentation corroborée par le cadre tremblant et l'omniprésence du personnage-cible à l'écran), et à l'heure où j'écris ces lignes, je ne sais toujours pas ce qu'il en est réellement. Que le personnage principal et sa "mission" soient totalement fictifs, nous en conviendrons sans problème. Que le décor, l'arrière-plan, par contre, soient réels, ou pour parler bien, "extra-diégétiques", on peut légitimement le penser ! D'ailleurs, le squelette du film est encadré par des cartons "locaux" et "fait comme si" il était réellement sponsorisé par l'État khazak. Tout concourt à nous conforter dans l'idée que nous regardons un authentique document. Et cela deviendra d'autant plus intéressant lorsque notre enfoiré en chef aura bel et bien débarqué aux States !

 

Une fois croisée Ellis Island, Borat devient en effet un électron libre lâché dans l'Amérique. Totalement ignorant des moeurs locales, et absolument pas décidé à en apprendre quoi que ce soit (bien que ce soit son but) ni à adapter son comportement, le sémillant Khazak se fait pourtant un devoir d'aller à la rencontre de la population, et sera amené à converser (ou parfois bien plus) avec tout un panorama de la société américaine, provoquant le rire, la stupéfaction, mais aussi parfois l'incompréhension, la peur, l'hostilité, voire la ferveur ! On le comprend assez vite, en introduisant dans le paysage étazunien un personnage aussi improbable à la gestuelle cartoonienne, le cinéaste cherche à faire rejaillir les atours tout aussi stupéfiants de Monsieur-tout-le-monde. C'est qu'on entend des discours flippants dans la bouche de certains rednecks, et l'on croise aussi des gens de bonne famille effarants de stupidité ; à l'inverse, les réactions de certaines minorités visibles étonnent ou amusent. Si les prises de vue ont réellement été tournées en mode documentaire, c'est vraiment très fort d'avoir réussi à saisir de telles réactions sur le vif. Même si c'est une fiction totale, c'est malgré tout très réussi. Dans tous les cas, l'idée est évidemment politique : l'attitude de Borat aux États-Unis, c'est précisément l'attitude qu'adopte l'Occident (impérialiste-américain) dans son entreprise de mondialisation : sous prétexte de "civiliser" les peuples lointains, c'est une imposition culturelle sans réflexion préalable sur les habitudes locales qui est opérée. En d'autres termes, "Imaginez ce que fait un pauvre petit Borat à New-York (puis ensuite jusqu'en Californie) c'est ce que font des multinationales puissantes et inattaquables aux moyens illimités partout dans le monde..." En d'autres autres termes, "bien fait !".


Technique

Esthétique

Emotion

Intellect 


La suite de ma semaine cinéphile, ce fut chez les fantasmagoriques Clément et Charlotte que je la poursuivis. Après avoir vu le plus beau match de foot de ma vie lors de l'opposition Gones-Ultras dans un pub aixois, nous décidâmes de consacrer la fin de soirée à du visionnage, et le couperet me frôla. Fut un temps évoquée la possibilité de regarder du Guédiguian, mais mon acuité me sauva qui, de justesse, me fit demander s'il n'y avait pas plutôt un petit film d'horreur qui reposait dans le coin. Ce fut donc Signes, oeuvre déjà pas neuve de Monsieur Nuit Shyalamalalmalaman, auteur entre autres du très connu Sixième sens. Douillettement recroquevillés sur le canapé, le chat sur un genou et la peur au coeur, nous apaisâmes les lumières et flippâmes.

Bon, nous flippâmes très raisonnablement néanmoins. Mel Gibson est dans la campagne américaine, il a une jolie maisonnette à l'extérieur d'un bled paumé, et c'est un ancien pasteur protestant dont on comprend qu'il a perdu sa femme dans un accident six mois plus tôt ; depuis, il vit seul avec ses deux enfants, un petit garçon asthmatique et une toute petite fille (celle de Little Miss Sunshine : waow !), et aussi son petit frère, Joaquin Phoenix, qui l'a rejoint pour le soutenir dans cette épreuve. Un beau matin, Mel Gibson découvre qu'une partie de son champ de maïs a été saccagé, mais de façon un peu trop géométrique pour être vandalistique. On croirait presque que, vus du ciel, les dessins ainsi pratiqués sur son champ auraient l'air de ronds qui s'imbriquent les uns aux autres pour former des signes bizarres. Fort heureusement, la télé nous apprend que le phénomène se manifeste un peu partout dans le monde.

Le déroulé de l'intrigue est lent et doux : déjà un bon point pour Signes, c'est un film qui prend son temps et propose, pendant une heure, des dialogues à foison aux intonations très subtiles, de rares scènes de (basse) tension. Il ne se passe franchement pas grand chose. Le ton choisi est l'étrange impalpable d'un Jacques Tourneur par exemple, alors que le sujet est SF : les "crop-circles" ne serviront que d'excuse de départ, et on n'en parlera guère que comme signe avant-curseur d'une invasion extra-terrestre. Je souligne "signe" à dessein, car non seulement c'est le titre du film mais aussi ce qui permet d'embrayer le propos. Un signe, c'est un stimuli qui nécessite une interprétation. La question, c'est : comment interpréter les signes inconnus ? Sur le sujet, il y a deux scènes importantes. La première, c'est lorsque la famille prend la voiture pour se rendre en ville et qu'un plan aérien en plongée nous montre le découpage urbain, en écho aux vues aériennes de crop-circles au début du film. Nos signes à nous sont familiers, notamment en ville, l'endroit de la profusion des signes qui font l'objet d'interprétations claires et simples. Mais comment réagir face à des signes qui nous sont inconnus ? C'est même antithétique, puisqu'un signe inconnu, ça ne nous sert à rien, mais on sait que ce n'est pas là pour rien, donc ça sert à quelqu'un d'autre, un inconnu, et on se demande bien à quoi. D'emblée, un phénomène comme le crop-circle provoque nécessairement l'inquiétude et l'humiliation (puisqu'on est exclus d'un système de langage). Seconde scène d'importance : une fois établi que les crop-circles ne peuvent pas être le fait des péquenauds du coin, fussent-ils hostiles, Gibson et Phoenix ont une longue conversation philosophique devant la télévision : faut-il considérer l'apparition de lumières dans le ciel et de crop-circles comme des miracles ou comme des phénomènes ? Sont-ce des mystères ou des miracles ? Une interrogation belle et inévitable de l'imaginaire dans la fiction. Phoenix, fougueux et croyant, vote miracle. Gibson, ancien prêtre ayant perdu la foi depuis la mort de sa compagne, vote mystère. Il s'agira bien sûr du sujet du film et, nous y reviendrons, la grande erreur sera d'y proposer une conclusion et une réponse.



Mais non, bande d'abrutis, c'est toujours DANS le champ de maïs qu'il y a les méchants !


Formellement, ça ne casse pas huit pattes à un mille-pattes, sauf sur quelques plans d'ensemble matinaux très joliment éclairés. Les tunnels de dialogues, on l'a vu, sont nombreux, et la mise en scène n'aide pas à y amener de la variété : pas de retournements, de décalages dans le champ-contrechamp, ou très peu. On avance donc dans une histoire atone avec une réalisation qui ne l'est pas moins, mais, comme dit précédemment, on prend son temps et on installe des éléments de tension (comme ce baby-phone, très bonne idée bien exploitée) en effleurant les scènes comme si elles étaient incomplètes, pas montrées dans leur ensemble. Ainsi, le cadrage est bien souvent audacieux, avec beaucoup de contre-plongées qui insistent sur le regard des deux gosses, qui sont pour beaucoup dans le maintien de l'attention. Au bout d'un moment, cette intrigue vaguement SF prend soudain les atours du film d'horreur, empruntant brusquement les tics romeriens de La Nuit des morts-vivants : on se barricade dans la maison, on installe de bons vieux champs sur un personnage qui regarde intensément le contrechamp indéfiniment, et on se demande bien ce qu'il y a dans ce contrechamp qui pourrait être si effrayant (souvent, pas grand chose). Également, l'utilisation de la télé fait penser à la radio du film de Romero, et la situation est similaire : paumée à la campagne, avec pour tout lien civilisé un medium dont on sait le manque de fiabilité habituel, la famille doit néanmoins survivre en calquant son mode de fonctionnement sur celui du reste de la population. Il y a même une jolie scène où Phénix suit sur le poste la première découverte filmée d'un alien, l'un des seuls moments vraiment empathiques du film.

Sur la fin, ça devient franchement glissant : la réflexion sur la croyance est devenue une affirmation : "Vous avez peur de l'inconnu ? Croyez en Dieu mes agneaux !" Grosse erreur. Non seulement Shyamalamalamalaman se paye une sorte de gros caméo ou de petit rôle (en la personne du vétérinaire), mais il en profite en plus pour multiplier les flashbacks autour de son personnage, censés provoquer l'émotion et expliquer la condition morale actuelle du prêtre. C'était pas la peine ! On avait déjà compris, et largement, nul besoin d'en remettre une couche lacrymale. Plus loin, on comprend encore mieux : les flashbacks étaient prétexte à la résolution du moment de tension final, complètement raté malgré la tentative intéressante de ne surtout pas cadrer la "créature" (on ne voit que son reflet). Morale finale à la con, vingt minutes de merde pour clore, malgré un film qui tenait la route dans son tranquille développement. Bien dommage, peut-être imputable à une production édulcoreuse. Qui peut le dire ? En tout cas, Charlotte n'eut même pas trop peur, quant à Clément, on fuma tous une blonde.


Technique

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Pour finir, quelques mots sur ce film français bizarre vu en DVD un peu au hasard. Des jeunes issus des minorités visibles (musulmans, cailleras, vietnamiens...) sont en boîte, puis attirés par une fraîche jeune fille de la campagne dans le bled originel pour passer un week-end de détente, ils en sortent. Ils écoute du gros R'n B qui tache dans la bagnole, ils parlent comme ça tu vois, t'y a vu, ils font des conneries parce que la campagne c'est trop chelou tu vois, t'y a vu, y a des chèvres, y a des paysans, ils sont foncedé tu vois, t'y a vu. Le vietnamien décide de se taper la campagnarde, mais aussi de la partager avec son copain caillera qui est moins sûr de lui et très sensible (c'est une baltringue quoi, tu vois, t'y a vu), tandis que les musulmans restent entre eux. Cependant, des événements bizarres se manifestent à la gentille fermette, notamment en la personne de Vincent Cassel, moustachu et dentu, plus pébron que tous les pébrons. Ce serait le début d'un slasher que ça ne m'étonnerait même pas.

Surprise : ce ne sera pas un slasher ! On va se contenter de baigner dans l'étrangeté, l'inquiétude suscitée par la confrontation de deux environnements : jeunesse métissée urbaine d'un côté, souche berrichonne consanguine de l'autre. Par moments, le récit devient même franchement surréaliste, lorgnant volontiers vers les deux classiques américains convoqués qui sont Massacre à la tronçonneuse et La Maison des 1000 morts, deux films que j'aime beaucoup ma foi, donc : soit ! Le propos est quand même un peu limite, mais prenons-le à la rigolade, et l'ambiance R'n B par moment très pénible, mais ça c'est parce que je n'aime que le rock.

Pour autant, le film est assez surprenant dans son déroulé narratif, il prend largement son temps, n'est pas mal écrit, avec de longues plages de calme puis des moments forts tout aussi gradués dans l'escalade de la tension. Tout cela manque sans doute d'une unité de ton pour être vraiment efficace, parce qu'on navigue un peu trop : on passe tour à tour par la film de société, la satire, le burlesque, le slasher, le survival, bref et etc., trop de choses. Également, on ne peut que regretter la qualité de la réalisation : alors même que le cadrage prend bien soin de placer les personnages dans un malaise permanent, que l'on assiste à quelques jolis plans-séquence, la lumière verdâtre tout droit héritée des clips MTV (autre influence non négligeable du cinéaste, visiblement) enlaidit l'ensemble. Qui pis est, trop d'effet tue l'effet, comme c'est malheureusement souvent le cas dans ce genre de petites productions djeunz et immatures : la caméra est triturée, tous les effets de post-prod à base de filtres de couleurs sont également convoqués. C'est épileptique, et laid. Dommage, certains décors en intérieur sont très bons, l'ambiance est palpable, le récit échappe complètement au cinéaste par moment, ce qui donne un effet de fuite intéressant. Par contre, ça ne donne pas envie d'aller à la campagne, et moi j'adore aller y boire des schweppes-agrumes. 

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commentaires

F
<br /> "payscule" what's?<br /> <br /> <br />
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