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  • : Le Massacre
  • : " On a qu'à appeler ça Le Massacre alors. " Mickaël Zielinski, Nicolas Lozzi, mai 2009.
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13 février 2012 1 13 /02 /février /2012 21:21

http://img.over-blog.com/307x500/1/18/13/98/5/Little-Brother.jpg

 

 

Technique ♦♦

Esthétique 

Emotion ♦♦♦♦

Intellect  ♦♦

 

 

 

J'avais déjà lu un Cory Doctorow, un jour. C'était Dans la dèche au royaume enchanté chez Folio SF, un roman cyberpunk assez rigolo mais résolument "adulte". Quelle surprise de découvrir alors une nouvelle fiction du Canadien sur la table "jeunesse" de ma librairie, avec une couverture même pas moche et un titre évocateur.

Ah, la jeunesse... l'excuse qu'ont trouvé les auteurs, surtout de SF d'ailleurs, pour édulcorer leurs écrits, rajouter un 0 à la fin du montant de leurs chèques et ainsi bouffer plus décemment – ce dont on ne saurait les blamer. Doctorow s'emplâtre consciencieusement sur cet écueil, à savoir qu'il n'y a quasiment aucune description, c'est moitié dialogues moitié narration, un style d'une neutralité bluffante, une construction balisée, des péripéties au forceps et des personnages d'ados sympas. Pour autant, Little Brother ne manque pas d'astuce.

 

Marcus est lycéen à San Francisco. La paranoïa sécuritaire qui entoure toute institution publique américaine dans les US de A modernes lui empoisonne l'existence. Il semble qu'on soit dans un San Francisco légèrement futuriste, ou bien dans une version distordue à l'extrémisme exacerbé – comme dans 1984, Doctorow se plaçant sous le parrainage bienveillant d'Orwell par l'allusion à Big Brother (who is watching you, ne l'oubliez pas) dans le titre de l'ouvrage. Marcus s'amuse à faire chier son monde, et comme c'est un petit génie de l'informatique, notamment du hack, il déjoue les systèmes de surveillance pour faire le mur et s'adonner à ses petits plaisirs : les ARG (Alternate Reality Game, des sortes de jeux de rôle grandeur nature), les réseaux clandestins, la lecture de la beat generation ou la documentation sur la cyber-contre-culture. Dans la vie, il s'éclate comme un gosse malin qui maîtrise ses supérieurs en retard sur leur époque. Jusqu'au jour où, avec des potes, il est arrêté par le Département de Sécurité Intérieure de San Fran au beau milieu d'un attentat terroriste. VDM.

 

L'idée de tout cela c'est : comment faire acte de résistance contre une société qui se sert de l'excuse terroriste pour infliger à la population son flicage parano, sans pour autant passer pour terroriste (ou pro-) soi-même auprès de l'opinion publique ? On peut dire que Doctorow y va franco : en transposant habilement la problématique totalitariste atemporelle de 1984 dans la démocratie libérale d'aujourd'hui, il appuie sur une des plaies politiques les plus vives du monde actuel. Mieux : il adapte prioritairement l'élément central de la communication, qui devient ici le réseau. Un instrument de contrôle autant que de résistance, selon la manière dont on l'utilise. Doctorow va faire compulser à son personnage (et donc à son lecteur) le catalogue des rébellions envisageables dans l'optique de la dématérisation numérique. Le mignon Marcus, même tiraillé par des sentiments et émotions (envers sa famille, ses amis, sa nana), va les passer au filtre de son jugement moral. Par ce biais et assez finement, l'auteur expose ce qui, en tant qu'acte de résistance, peut se révéler à la fois impactant et incondamnable. C'est tout l'enjeu de la contestation humaniste. Et le gosse ne va pas tout réussi comme un génie : il se trompe, se précipite, glane quelques victoires, se compromet éventuellement, hésite et en retire que résister est une difficile responsabilité – difficile mais possible.

 

Sans qu'il y ait donc aucun intérêt esthétique bien sûr (rappelons que le roman jeunesse est fatalement mal écrit, ça doit être considéré comme plus simple pour les ados de lire du moche, allez savoir), Doctorow réussira son coup auprès du jeune public trop flemmard pour lire Gibson, Walter Jon Williams ou Damasio. Le résultat est parfaitement convenu mais honnête, enthousiasmant, il s'autorise quelques "impertinences" (une scène de cul entre mineurs, ouuuuh, l'évocation de l'aborption de drogues, aaaaaah), pose des problématiques pertinentes sur la société moderne, mais y répond de manière trop désincarnée, trop didactique, pour faire un vrai beau roman. La litté jeunesse reste un ersatz.

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