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  • : Le Massacre
  • : " On a qu'à appeler ça Le Massacre alors. " Mickaël Zielinski, Nicolas Lozzi, mai 2009.
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30 décembre 2009 3 30 /12 /décembre /2009 22:44

http://www.affichescinema.com/insc_a/asterix_cleopatre.jpg

 

♦♦

Technique 

Esthétique 

Emotion 

Intellect  

Pourfendeurs de la franchouillardise, amateurs de Hugo Pratt et de Blake et Mortimer, je n'ai pas honte de le dire : j'adore Astérix ! J'ai tous les albums, je leur trouve un charme inépuisable et de nouvelles lectures continuelles au fur et à mesure des années. Sont-ce les personnages attachants, les aventures rocambolesques, l'humour anachronique ? Toujours est-il que je prends toujours du plaisir à les lire, et à regarder certains des films qui les ont adaptés. Parmi lesquels Astérix et Cléopatre reste mon préféré. Le premier réalisé fut également le plus malinement écrit, prenant des libertés salutaires alors même que les auteurs originaux – Albert Uderzo et René Goscinny bande d'incultes – sont crédités à a réalisation (il est plus probable que Lee Payant fut le véritable maître à bord ; c'est que ça ne s'invente pas, de faire du cinéma, surtout d'animation).

 

Ne vous fiez pas à la mocheté ni à la débilité congénitale de l'affiche : Astérix et Cléopatre fut une grande réussite du cinéma d'animation français (franco-belge serait plus exact). Dès le début, un petit prologue nous montre un Égyptien expliquant sa langue et les nécessités du doublage... dans un dessin animé ! D'emblée, le second degré fonctionne, et il se confirmera plus tard que les digressions et le peuple égyptien seront les principaux intérêts de ce film. Quelques vignettes se succèdent, très jolies et liées par des personnages en mouvement, exposant Alexandrie au faîte de sa gloire. La reconstitution est belle et vivante, de plus elle détonne par rapport à un démarrage "traditionnel" d'Astérix qui commence toujours au village gaulois. Ici non : Cléopatre et son amant Jules César se disputent comme des chiffonniers pour savoir lequel de leurs deux peuples est le plus ingénieux. Très clairement, la tendance historique, corroborée par César, nous ferait affirmer que l'Égypte s'effondre alors que Rome éclate à cette époque (50 av. J. C.). Mais non, Cléopatre, elle dit que les Égyptiens sont géniaux et qu'ils vont construire un superbe palais pour lui en trois mois – ce qui est impossible. Heureusement, Numérobis, le catastrophique architecte choisi pour la tache, connaît un druide gaulois nommé Panoramix, qu'il s'en va quérir dans la lointaine Armorique enneigée.

 

Numérobis détonne totalement au sein du peuple égyptien : présenté comme un incapable, il est aussi individualiste, borné, paranoïaque et couard (qui aura remarqué que, lors de son arrivée au village gaulois, il n'adresse même pas la parole à Astérix ni Obélix en entrant dans leur hutte ?). Les Gaulois en voyage, dotés de leur fameuse potion, vont lui permettre de devenir un capitaliste accompli en fournissant de la force à son peuple, en l'occurrence les centaines d'ouvriers qui construisent le palais. À l'inverse, le grand rival Amonbofis est présenté comme un syndicaliste – certes fourbe – qui tente de soulever les prolétaires contre leur trop exigeant patron. Le centre du propos, c'est vraiment cette fourmilière d'égyptiens que les metteurs en scène ont pris soin de représenter par un maximum de plans différents : tantôt montrés comme un organisme à l'ouvrage lors d'un plan d'ensemble sur le palais, ils sont aussi souvent à cinq ou six dans le cadre, et lorsqu'ils prennent de la potion, certains sont individualisés, et liés entre eux par un seul élément : le bloc de pierre – matériau de base de la construction – que l'on se lance de personne en personne, comme en jouant. Individus, groupes, peuple, tous les Égyptiens ont néanmoins des visages différents et indépendants, qui attestent à la fois de leur unicité et de leur fratrie. Ce palais érigé dans le désert d'Alexandrie, ne nous y trompons pas, est une utopie réalisée par le peuple, même si elle est destinée à entrer en compétition dans un rapport de force a priori perdu d'avance contre les Romains qui tentent de vaincre par la force : l'ingéniosité et l'entraide l'emportera sur la brutalité.

 

Le film est très réussi grâce à ses digressions. Les chansons sont drôles (inénarrable "pudding à l'arsenic", inoubliable "lion de Cléopatre"), les dialogues parfois cathartiques, et certaines scènes se permettent une certaine poésie humoristique, notamment lorsque commence la construction du palais. Les scènes d'action, liées par la musique et certains gimmicks, sont extrêmement rythmées, alors même que ce sera un gros défaut des adaptations suivantes. À part ça, c'est une aventure d'Astérix rondement menée avec, on l'a dit, quelques passages joliment dessinés même si l'essentiel de l'animation est assez sommaire, parfois hachurée dans le mouvement des personnages, mais pourquoi pas. L'ensemble respire la bonhomie, avec par exemple cette façon d'utiliser le rebond (des ventres, des objets, des personnages) de façon systématique pour exprimer à la fois un accident et sa résolution rassurante, utilisation qui allait devenir récurrente dans les adaptations suivantes, et notamment celle-ci :


http://img.ozap.com/00784596-photo-affiche-asterix-et-le-coup-du-menhir.jpg

 

♦♦

Technique 

Esthétique ♦♦

Emotion 

Intellect  


Aux antipodes du précédent, avec cette fois-ci Goscinny et Uderzo absents du générique, voici Le Coup du menhir qui mérite bien quelques mots. Le démarrage est beaucoup plus classique : émergeant de l'ombre, le village gaulois vu en légère plongée, dont on ne perçoit que les bruits et paroles. Le druide Panoramix (il est frappant lors de ce film que le personnage animé du druide a fortement été inspiré, dans les mimiques et la gestuelle, par le Merlin de Disney) se rend en forêt pour cueillir des herbes et fleurs. La mise en scène nous alerte déjà : baguenaudant entre les massifs et les bosquets, Panoramix virevolte dans le cadre qui suit un très sage travelling latéral. Coupant les trajectoires, il tombe en extase devant les parfums subtils de certaines plantes, arborant un visage extatique très troublant pour un personnage d'Astérix. Puis, cut brutal et plan sur des pieds romains émergeant d'un bosquet, face paniquée de Panoramix et onomatopée flippante. Ce film est flippant ! Les romains pensent avoir réussi leur coup, mais Astérix et Obélix rappliquent et, pensant protéger le druide, le grand guerrier roux à tresses lui projette un menhir en pleine gueule ce qui, avouons-le, fait mal.

Adapté conjointement des albums Le Devin et Le Combat des chefs, Le Coup du menhir récupère la trame narrative du premier pour mieux exploiter l'ambiance psychédélique du second. Quelle ambiance lourde, quel malaise, quelles tronches de drogués, quelles situations alarmantes dans ce film ! C'est incroyablement dévasté pour un film "pour enfants". Deux scènes viennent plus particulièrement corroborer cette impression : les retrouvailles d'un Panoramix rendu fou avec le village gaulois, que l'on voit au travers de son esprit : visages grimaçants, individus qui gonflent, explosent, se flétrissent : un vrai bad trip. Heureusement, un peu d'humour au milieu du marasme (voir Assurancetourix balancer un bon rock indé, ça fait bizarrement drôle) vient délayer l'ensemble. Autre scène ensuite, plus extérieure, plus fantastique, presque super-héros : la séance gustative du pauvre romain (quel bon personnage, lui et son hibou d'ailleurs) et le constat des divers effets des potions qu'on lui fait tester : accélérations, bullet-time, explosion de couleurs, explosions tout courts, ça pète dans tous les sens. Un vrai film psyché on vous dit. Et loin d'être con avec ça : cette perte de repères visuels, ce fondu de l'extravagance dans le "réalisme" des décors, c'est l'expression d'un peuple dépassé par la magie de son sorcier, et par le fait, abandonné de ses pouvoirs habituels, effrayé de l'hostilité toute proche, il se laisse abuser par les prophéties fallacieuses d'un faux devin. À voir, assurément, en tripant sur un schweppes agrumes.
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