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  • : Le Massacre
  • : " On a qu'à appeler ça Le Massacre alors. " Mickaël Zielinski, Nicolas Lozzi, mai 2009.
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22 septembre 2010 3 22 /09 /septembre /2010 21:34

 

 

Technique ♦♦

Esthétique

Emotion ♦♦

Intellect  ♦♦

 

 

Je ne sais pas si je vous ai déjà parlé d'Alexandre et de sa compagne Julia, mais ils sont tout bonnement exceptionnels. Il y a de cela quelque temps, après nous avoir consciencieusement gavés de lasagnes succulentes, fait boire un petit blanc pas dégueu et amusés de leur cathartique humour, ils nous ont proposé de "se regarder un petit film", sur le pouce pourrait-on dire, comme on le fait en fin de soirée. La dernière fois, c'est moi qui avais choisi et on avait maté Dawn of the dead de Romero. Là, je laissai Alexandre, toujours friand de me faire découvrir de nouvelles choses, arrêter son choix sur l'oeuvre qu'il jugeait la plus digne, et l'enfoiré me sort rien moins qu'un chef d'oeuvre. Moi qui voulais simplement une petite récréation sympathique, genre un truc avec les Robins des bois ou un Bergman en noir et blanc, paf, je me retrouve avec la marque d'une claque sur la joue. Et ça m'a fait mal.

 

Dès le générique, je perçois qu'il y a anguille sous roche : certains noms me plaisent bien. Danny Boyle, je le soupçonne d'avoir du talent car il a fait quelques trucs assez recommandables, le dernier en date était son sympathique Slumdog Millionaire. Et mieux, Cillian Murphy a le rôle principal, et voilà un acteur que j'adore avec sa gueule bizarre. Justement, sa tronche va servir vous allez comprendre pourquoi : au début, on a une scène assez violente et sombre lors de laquelle on pige que des expériences pratiquées sur des chimpanzés les ont rendu particulièrement agressifs, et le comble c'est que l'un d'eux s'échappe, propageant la maladie qui le ronge — mais nous ne verrons rien de cette propagation. En effet, on a une transition (entrecoupée d'un carton annonçant qu'on est "28 jours plus tard") entre le corps d'un singe et celui, endormi, de Cillian Murphy dans un lit d'hôpital, et l'on fait un parallèle immédiat entre la physionomie animale et celle, humaine, qui lui est si proche. C'est là que la gueule de l'acteur, avec ses atours simiesques, prend toute son importance : elle rappelle constamment que la source de la violence est une expérience animale qui a dégénéré, et c'est aussi ainsi que l'on pourrait qualifier... l'évolution ! Le discours et le pitch ne sont pas neufs, très proches notamment de L'armée des 12 singes de Terry Gilliam, chef d'oeuvre, (d'ailleurs explicitement cité par Boyle par le main rouge emblématique appliquée sur une affichette et filmée frontalement) mais la mise en scène déboîte.

 

 

Ne rêvez pas : en vrai, c'est impossible qu'il y ait si peu de circulation sur le Tower Bridge.

 

 

Cette brillante idée me faisait déjà transpirer sur mon canapé, mais je n'avais pas encore vu la suite. Murphy s'éveille (il était en fait tombé dans le coma suite à un accident de voiture) dans un hôpital vide comme quitté avec empressement de tout son matériel humain, et bien vite, il s'aperçoit que c'est pareil dans tout Londres. Et alors là, la maestria commence : Londres sans habitant, arpenté par Cillian Murphy en pyjama, c'est tout simplement beau. Il faut dire qu'il y a une pertinence, une variété, dans le choix du cadre et de l'échelle, que j'ai rarement vu dans un film de ce genre. Reflets, surcadrages, plans d'ensemble vertigineux, plans serrés avec arrière-plan angoissant, Boyle va utiliser une palette extrêmement riche pendant une grosse demi-heure, jusqu'à ce que le personnage rencontre enfin quelques survivants. Il y a ensuite tout un passage narratif avec un peu d'action, puisque l'on découvre les humains rendus fous par le virus et les quelques chanceux qui ont réussi à leur échapper. Inévitablement, un petit groupe se forme et expliquent à Murphy tout ce qu'il doit savoir, et l'on marche ensuite sur un terrain plus basiquement balisé. La grandiosité de la réalisation retombe un peu, je me surprends à penser que j'aurais aimer voir tout un film avec cet unique personnage principal, le vide autour et une peur solitaire. Mais bon, il y a quand même des sortes de zombies (ils y font surtout penser parce qu'ils contaminent en mordant ou griffant) alors je suis à peu près heureux. D'autant qu'il y a encore une très belle scène : parvenus à l'extérieur de la ville, les gentils dorment à l'extérieur sous des sortes de ruines, et à leur réveil, ils sont salués par des chevaux qui, au loin, gambadent en toute liberté. Se pose alors une question originale du scénario post-apocalyptique : est-ce qu'on n'est pas mieux là, libres et affranchis de toute contrainte sociale, que prisonniers du morose quotidien de notre cage confortable ? La réflexion trouve le juste moment, la juste luminosité et le juste jeu des acteurs pour exister.

 

La deuxième moitié du film se tiendra en une sorte de huis-clos, recluse dans un château investi par des militaires que le groupe de survivants a réussi à rejoindre. Là, ça devient carrément convenu au niveau du scénario : les militaires sont globalement méchants et feignent d'accueillir Murphy et ses potes uniquement pour violer les deux gonzesses, dont une gamine, qui faisaient partie du lot. Déjà vu ça, notamment chez Romero. Là où l'intérêt se maintient, c'est que, acculé, le gentil Murphy va déployer une rage considérable – je dirais même : similaire à celle des zombies – pour protéger et sauver ses deux protégées. Ainsi, après un court "épisode initiatique" en pleine forêt où il va ressourcer sa nature bestiale, il est présenté et filmé comme un monstre mythologique insaisissable, toujours superbement éclairé et très souvent surcadré (derrière des fenêtres par exemple) pour exposer pleinement son caractère distancié et mystique. Les dernières vingt minutes, très tendues, dans une longue scène de nuit balayée d'orages, sont un superbe moment de film d'horreur, dont le héros est la créature. La classe totale. Après le film, nous avons remercié nos hôtes et regagné notre propre appartement, sis non loin, dans lequel j'eus même peur de mon chat tellement j'avais peur.

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commentaires

N
<br /> Salut daylon !<br /> <br /> Pas impossible qu'il y ait un truc systématique de ce genre. C'est un peu le cas aussi dans Slumdog, à un degré plus subtil, également dans Sunshine, une gentille SF dans laquelle un personnage<br /> filmé bizarrement est aussi en mode "bserserk". J'en conclus brillamment que Boyle a sans doute de gros problèmes d'érection.<br /> <br /> <br />
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D
<br /> Il faudrait comparer ses films (et je ne sais pas assez calé dans sa filmo pour l'affirmer), mais j'ai noté que dans AU MOINS deux de ses films (celui-ci et The Beach -pas si mauvais, au demeurant,<br /> assez rigolo-) atteignent un point culminant dans leurs ressorts dramatiques pouêt-pouêt quand le personnage principal se change en une sorte de berserker.<br /> <br /> À creuser.<br /> <br /> <br />
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