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  • : Le Massacre
  • : " On a qu'à appeler ça Le Massacre alors. " Mickaël Zielinski, Nicolas Lozzi, mai 2009.
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10 juillet 2009 5 10 /07 /juillet /2009 14:53

 

Technique

Esthétique

Emotion

Intellect 

Soyons sérieux cinq minutes. Coupez vos portables s'il-vous-plaît, concentrez-vous. L'heure est grave. Hier au soir, ma vie a changé, comme cela arrive parfois. Tous les quatre ou cinq mois environ, période salvatrice obligatoire pour conserver une santé morale digne de ce nom. La dernière fois, c'était pourtant il y a à peine deux mois, Donjons & Dragons, rude expérience. Je voudrais pouvoir me reposer, je voudrais pouvoir respirer sereinement, bordel ! Mais non, ça a repris, ce 9 juillet vers 22h00 : un nouveau film est entré dans mon top 10 des pires buses, des plus grands fours, des suprêmes daubasses que j'ai jamais vues de ma vie ! Las...

 

Colin Farrell est un méchant attaché de presse qui se monte des coups à partir de trois fois rien, grande gueule coupée à l'italienne avec ses contremarques violettes absolument atroces, sa montre en plaqué plastique achetée à crédit, son téléphone portable greffé au petit doigt et son assistant lèche-botte stagiaire qui le suit partout. C'est le genre de type que l'on déteste avoir au bout du fil, agacé par son flot langagier incessant et sa morgue cynique qui dissimule un vide narcissique rempli tout seul d'autosatisfaction. Une sorte de Séraphin Lampion à New-York, en jeune. Farrell, donc, a tout de même une femme, qui est blonde, mais aussi une maîtresse (enfin du moins il lui fait des avances) qui est brune (Katie Holmes, qu'on voit très peu, tant mieux). Justement, en cette belle journée bleue métallique (nous y reviendrons), il appelle Katie Holmes, qu'il baratine un max, d'une cabine téléphonique sise dans un quartier des bas-fonds, Brooklin ou quelque chose comme ça. Ce subtil stratagème lui permet d'échapper aux manoeuvres inquisitrices de sa salope de femme (elle a l'air très gentille en fait...) qui épluche ses factures téléphoniques pour traquer la faute adultérine. Comme au fond de lui il la respecte, sa femme, il enlève son alliance pour appeler sa maîtresse. Mon Dieu...

 

Une fois qu'il a raccroché (il fait toujours un beau soleil bleu) le téléphone sonne. Dans une cabine téléphonique, tudjeuu, c'est bizarre ! Une évidente référence à Amélie Poulain, sauf que là, au lieu que ce soit la gentille Amélie qui est au bout du fil, c'est un étrange méchant dont on ne sait pas qui c'est, mais dont on comprend bien vite que c'est un méchant, d'abord parce que la lumière est bleue, et pas rouge comme dans le film de Jeunet, et ensuite parce que en gros, le type en question connaît fort bien Farrell et toute sa vie de mensonges, et que s'il raccroche, il le tue. Attendu qu'il a un bon gros fusil à lunettes et qu'il se dissimule dans un des appartements de l'immeuble d'en face, le méchant, il a vachement bien préparé son coup.



Farrell, christique, tel Di Caprio dans un film de Scorcese.

 

L'exposition du film est un invraisemblable salmigondis d'effets spéciaux atroces, de mise en abîme Fincherienne et de ralentis "scratchés" épileptiques dignes d'un clip de gros rap américain qui tâche. C'est d'une laideur sans nom, d'autant que, vous l'aurez compris, le filtre bleuâtre employé pour je ne sais quelle raison (rappeler Minority Report, paru l'année précédente avec déjà Colin Farrell ? Ca lui va bien au tain peut-être...) détruit toute tentative de donner un intérêt à l'image. Là où, pour un huis-clos (car c'en est un, tout ou presque se passe dans la cabine téléphonique) il eût été intéressant de, je ne sais pas, jouer avec le déclin du jour, eh bien là, non, on est enfermés dans une esthétique statique qui ne bougera pas d'un iota jusqu'à la fin du métrage.

 

Et si ce n'était que ça, mais il faut compter avec un Joel Schumacher qui, sur la lancée de ses deux nullissimes Batman (nous lui devons les troisième et quatrième opus), se découvre et se veut "auteur". En effet, il a découvert, disons pendant ses vacances ou quelque chose comme ça, qu'il pouvait faire des effets avec sa caméra : "waaah" a-t-il dû se dire, ignorant qu'une telle possibilité lui était offerte. Voilà donc qu'il s'amuse : en plus du filtre donc, il joue avec les accélérés et les ralentis, comme sur MTV, floute l'image pour notre plus grande résistance rétinienne, et, le must, s'éclate avec les fondus auto-enchaînés qui déforment son personnage. A cet égard, la scène finale lors de laquelle Farrell voit, enfin, la silhouette de son bourreau se découper dans le cadre des portes arrière de son ambulance, est risible tant l'effet est facile et raté, Schumacher ne comprenant pas que l'onirisme potentiel du passage se prête peu à tant de démonstrativité. Qui pis est, pour qu'il n'y ait pas que des plans sur la rue et aussi pour densifier la tension (quelle tension ?), Joel déniche sur Movie Maker la fonction "split-screen", cette façon de fractionner l'écran en plusieurs cadres aux espaces diégétiques différents. Évidemment, ça ne fonctionne pas une seconde, notamment parce que les "screens" sont disséminés au petit bonheur la chance. Comme un malheur n'arrive jamais seul, Joel s'est également rendu compte en post-production qu'il pouvait opérer des modifications sur le mixage du son, eh oui ça existe ! Du coup, on navigue à vue entre deux points de convergence sonore, les flics d'un côté, l'homme dans la cabine de l'autre, chacun dominés par la voix "omnisciente" du tueur que l'on entend en "off" (le même procédé, si vous voulez, que pour l'ordinateur HAL dans 2001 l'odyssée de l'espace, toutes proportions gardées...), le tout occasionnant des passages proprement illisibles et des dialogues incompréhensibles. Il faut dire que l'atroce VF n'aide pas (la voix omnisciente est particulièrement ratée).



Dans cette scène-clé, Farrell s'empresse d'appeler les services municipaux pour faire réparer la fenêtre en plexi.

 

Si tout cela ne se limitait qu'à ces problèmes techniques, tout irait pour le mieux et Phone Game pourrait aller se rhabiller comparé à la puissance d'un Donjons & Dragons, mais voilà : le scénario lui-même ne tient pas la route. Pourtant pourvu d'un postulat de départ intéressant, référencé (Fenêtre sur cour, The Boston Strangler...) pouvant déboucher sur un thriller original, le scénariste Larry Cohen se perd en route : des personnages entrent et sortent (les prostituées, insupportablement jouées par des figurantes, disparaissent purement et simplement après le meurtre de leur mac...), changent brusquement d'attitude sans explications (la palme étant attribué au flic blanc qui vient faire chier le flic noir avant de subitement s'écraser et ne plus lâcher un mot avant la fin du film), bref le film est atrocement mal écrit. Par ailleurs, Cohen arrive à court d'idées au bout d'une heure de film, qui n'est déjà pas bien long et pas assez développé (81 minutes, générique compris). Le comportement du tueur, seul truc haletant, devient parfaitement incohérent et, c'est plus grave, inintéressant, pas assez méchant, pas assez inventif et pas assez sadique avec sa marionnette, et ce sans qu'on comprenne jamais où il veut bien en venir avec son petit jeu. 

 

Bref, vous l'aurez compris, Phone Game entre de plein pied, et à corps défendant croyez-le, dans ma short-list. Je ne regarderai plus de films à la télévision avant au moins six mois, je me le jure ainsi qu'à la Terre entière !


 

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commentaires

N
Ah ! Très cher Olivier, quel plaisir de te voir en ces pages.<br /> <br /> Je ne provoquerai pas la loi des séries après un tel enfer, surtout pas avec les titres que tu proposes et qui, effectivement, son redoutables !<br /> <br /> Je ne sais pas ce que vaut HOME, mais ça m'a tout l'air d'un économiseur d'écran high-tech, quant à Rush Hour 3, je n'ai même pas vu le précédent, mais je dois dire que le premier était assez rigolo. Même si, on le sait, le plus grand film de Papi Chan fut de très loin l'extraordinaire Opération Condor (tu auras noté la finesse du titre).<br /> <br /> Comme toi, je préfère me consacrer aux quelques pépites qui nous attendent. Le prochain Pixar bien sûr, mais aussi le Michael Mann, et le Tarantino, bien que j'aie de fort mauvais échos (fiables, malheureusement) sur icelui.<br /> <br /> À quand un vieux film d'action des années 80 maté ensemble ?
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O
La loi des séries (jamais d'eux sans toi, jamais d'œufs sans toit, jamais deux sans trois !). Dungeons & Dragons, Phone Game... Dans ta lancée, ne te manque plus qu'un film biennnnn franchouillard (du genre "mon curé chez les nudistes" ou "les sous-doués).<br /> Pour ma part, niveau film vu à la t.v (arrrrghhh), j'ai vu HOME de yab et besson (sur youtube en fait ^^). J'aurai pu en rester là. Beau projet, belles zimages. <br /> Mais non. L'erreur. Voulant me vider l'esprit, j'ai vu rush hour 3. Mauvais film. Trés trés mauvais. Comme Phone Game (autre erreur cinéphile).<br /> Rassure toi, bientôt quentin part en guerre, et pixar nous emmène là haut...
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